PORTRAIT – Sybille : « L’anorexie, c’est le combat de ma vie »
Sybille a 20 ans, elle est coach sportive et influenceuse sur les réseaux sociaux, recueillant plus de 7,5 millions de likes. Passionnée de sport en général, mais aussi de « tout ce qui touche à la santé mentale et au bien-être », l’un de ses principaux combats est la sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire (TCA), qu’elle a affrontés quelques années auparavant.
⚠Trigger Warning : cet article aborde des sujets tels que la dépression et les troubles du comportement alimentaire (TCA) ; boulimie, hyperphagie, anorexie physique et mentale.
Un parcours qui l’a mené vers une notoriété inattendue
Sybille, plus connue sous le pseudo de « sybille.fit » sur les réseaux sociaux, est née et habite ici, à Amiens dans la Somme. Pendant sa scolarité et sur une durée de quatre ans, elle a souffert d’une maladie qui touche entre 0,9 et 1,5% des femmes en France, l’anorexie mentale. Nous l’avons rencontrée et avons recueilli son témoignage.
Après l’obtention de son baccalauréat et suite à sa guérison, la jeune femme est partie dans la ville d’Aix-en-Provence afin de réaliser une licence de psychologie, qu’elle a finalement arrêtée au bout de quelques mois pour retrouver ses racines samariennes. Mais arrêter une licence en plein milieu de l’année a des conséquences. Ce que Sybille a vite compris : « Je rentrais d’Aix-en-Provence et j’avais énormément de temps libre avant de ré-entamer une nouvelle année. J’ai fait des petits jobs étudiants afin de gagner un peu d’argent, mais rien par rapport à mon projet professionnel. Et donc tout mon temps libre, je le consacrais à faire du sport, de la musculation. C’était un peu un moment de stand-by dans ma vie, j’étais extrêmement seule. »
Mais cette solitude, la Samarienne a su en tirer une certaine motivation pour persévérer dans cette passion naissante, le sport : « Je mettais de temps en temps, sur mon compte privé instagram, des stories de moi à la muscu, mais je pensais que mes proches n’allaient pas forcément être intéressés. Alors je me suis dit, pourquoi ne pas ouvrir un compte juste pour poster des choses qui m’intéressent, comme ça les gens qui sont intéressés par le même domaine pourront me suivre aussi. Mais je n’avais aucune attente, c’était juste mon petit passe-temps pour montrer ce qui me faisait du bien. » Et ce « passe-temps » s’est finalement révélé être un réel potentiel pour la jeune femme, qui ne s’attendait à rien au départ, et qui se retrouve maintenant projetée sur la toile d’internet : « Ce qui a pris une ampleur de fou, c’est quand j’ai commencé à poster des photos et vidéos de transformation dans lesquelles je parlais plus de mon passé avec les TCA et l’anorexie mentale. Et ça a pris une ampleur parfois même internationale pour certaines vidéos, donc j’ai continué. Pas par objectif de performance sur les réseaux, mais vraiment par plaisir. Et ensuite, c’est devenu un outil professionnel. »
Devenue influenceuse sans s’y attendre, la jeune femme partage désormais des contenus sur les plateformes, que l’on pourrait qualifier de contenus sportifs et bien-être. Prônant la bienveillance, mais aussi en sensibilisant sur les troubles du comportement alimentaire et l’importance d’une bonne santé physique et mentale, elle est suivie par plus de 225 000 personnes à travers le monde. Sur ses réseaux, elle partage des vidéos de son quotidien, son parcours, ses séances de sports et ses partenariats dont elle fait bénéficier ses abonnés. Mais elle partage surtout sa bonne humeur et son honnêteté sur des plateformes, où les contenus semblent encore trop souvent truqués. Celle qui ne s’attendait pas à une telle notoriété se dit aujourd’hui « très reconnaissante » envers sa communauté.
C’est donc à la suite de son succès sur les réseaux sociaux et avec une véritable passion pour le sport que Sybille a finalement pris la décision, après avoir tâtonné dans le monde des études supérieures, de réaliser un BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport) spécialisé en Activité de la Forme. À l’heure actuelle, la jeune femme est donc coach sportive en plus de son activité professionnelle sur les réseaux, proposant des cours de Pilate, des coachings à distance ainsi que des cours de cardio dance, prévus à partir du 9 mai , pour le plus grand plaisir de ses élèves.

L’anorexie mentale : faire face à la maladie pour mieux la combattre
Celle qui affiche aujourd’hui un sourire radieux, a aussi connu une part d’ombre, qui a bien failli éteindre son étincelle. En effet, pendant près de quatre ans, Sybille s’est battue contre une maladie sur laquelle elle fait désormais beaucoup de sensibilisation : l’anorexie mentale. Cette maladie se distingue de deux façons, l’anorexie mentale et l’anorexie physique. L’anorexie mentale précède souvent l’anorexie physique, puisqu’elle provoque souvent un réel mal-être envers la nourriture, enchaînant sur des troubles de l’alimentation qui atteignent finalement la santé physique. En général, cela peut également engendrer de la dysmorphophobie, qui est un trouble dysmorphique corporel empêchant la personne de se voir telle qu’elle est, lui créant des pensées obsessives sur une partie de son corps ou l’entièreté de ce dernier.
Sybille a donc souffert pendant quatre années de cette maladie et de ses dérives. Pour elle : « L’anorexie mentale est un suicide à petit feu. L’alimentation et la maigreur sont le reflet des souffrances qui sont intérieures. On déporte la souffrance sur quelque chose que l’on peut contrôler. » Mais ce « contrôle » est en réalité un poison, dont Sybille a fait les frais puisque cela l’a menée jusqu’à la dépression et l’hospitalisation. Heureusement pour elle, la jeune femme a su « se raccrocher à la vie » et confie ce qui l’a aidée : « Ce qui m’a permis de m’en sortir, c’était le fait de m’accrocher à mes relations, aux expériences de la vie, à ma famille et mes amis. » Le soutien des proches peut donc être un réel moteur dans la guérison.
Elle met également un point d’attention sur une généralité que les gens ont tendance à faire dans le processus de guérison de la maladie : « Dans l’anorexie, on parle beaucoup de « déclic », mais moi, je n’en ai pas ressenti en particulier, ça a plus été le fait de perdre la santé avec les menaces d’hospitalisation qui se sont terminées sur de réelles hospitalisations. » D’après elle, ce qui lui a servi de motivation pour combattre cette maladie et en sortir, c’était « le fait de me voir dépérir, de voir l’impact que ça avait sur mes proches aussi, je ne me suis pas laissé le choix en fait par rapport à ça. Je me suis contrainte à me renourrir, malgré cette peur et cette pensée de ne pas vouloir sortir de l’anorexie. » Parce que la difficulté est également là, lorsque l’idée de ne pas vouloir sortir de ce cercle vicieux est présente dans l’esprit : « Quelque chose qui touche énormément de personnes qui souffrent de TCA ou d’anorexie, c’est le fait de ne pas vouloir en sortir. Même s’il y a cette démarche de vouloir aller mieux, on est contraints de faire face à cette pensée parce qu’au bout d’un moment c’est soit la mort, soit la vie. »
Et dans cette situation, celle qui partage aujourd’hui son parcours du combattant, confirme avoir choisi la vie.
Alors choisir la vie, oui, mais cela requiert beaucoup d’énergie mentale et physique. Et pour Sybille, le chemin ne s’est pas toujours fait sans encombre, malgré sa volonté de remonter la pente : « Lorsque tu es profondément dans la maladie, tu as l’impression que tu n’es plus qu’anorexie. Et les gens commencent à t’identifier à ça, tu as l’impression que toute ta vie est régie par ça et c’est le moment où tu te rends compte finalement que tu es quelqu’un, que tu as des valeurs, des passions. » Pour Sybille, ces valeurs et ces passions ont donc été un élément fort de sa guérison : prendre conscience qu’en fin de compte, on est bien plus que ce que la maladie nous fait croire et que ce que les autres aperçoivent seulement en surface. La voie de la guérison n’est donc pas chose simple, mais pour la jeune amiénoise, le jeu en vaut largement la chandelle.



Interview de Sybille réalisée à Planète Forme
Savourer la vie après avoir vécu l’enfer
Ce mal-être, causé par la maladie, a sans doute fait tomber Sybille au plus bas, mais une fois de plus, elle a su en tirer une force pour désormais mieux apprécier les évènements du quotidien. Ce dont elle témoigne : « Maintenant, la moindre petite étincelle de bonheur, je la savoure ! J’ai tellement été privée de cela pendant des années, en étant complètement isolée du monde à cause de la maladie, que maintenant je savoure tout ça fois mille. Je suis hyper reconnaissante de ce que j’ai aujourd’hui, je suis reconnaissante d’être en bonne santé. Je n’ai plus du tout la même vision sur la vie que ce que j’avais avant. Et puis, globalement sur la santé, la chance que j’ai de pouvoir bouger mon corps, faire du sport, parce que quand j’étais suivie à l’hôpital, j’ai été complètement privée, pendant plusieurs années, de faire du sport parce que c’était dangereux pour ma santé. Mais c’était nécessaire et il faut le préciser, parce que le sport et l’anorexie, c’est un sujet très délicat.«
La jeune amiénoise précise également sur ce sujet « qu’il faut vraiment être super sain d’esprit et en bonne santé » pour reprendre le sport après un parcours dans les TCA, afin de « ne pas aller dans les extrêmes en faisant du sport pour se punir ou autre. Mais, je pense qu’après avoir retrouvé une meilleure relation avec son corps et soi-même, le sport peut être un super outil de bien-être !« Pour notre interviewée, ce passif dans les TCA et en particulier dans l’anorexie mentale suivie par l’anorexie physique, a été une épreuve difficile à surmonter lors de son entrée dans la vie de jeune adulte, puisqu’elle a surmonté cela relativement jeune. Néanmoins, Sybille a su « tirer profit » de ce que cette période lui a apprise, pour s’en sortir définitivement et pouvoir bâtir sa vie sur des bases mentales et physiques plus solides.
Aujourd’hui, après cette descente aux enfers qui a duré quatre ans et qui aurait bien pu éteindre son étincelle, elle croque désormais la vie à pleines dents, profitant des moments avec ses proches, amis et famille. La jeune amiénoise s’épanouit également pleinement dans le monde professionnel, en ayant allié travail et passion, ce qui lui permet de jongler entre son activité sur les réseaux sociaux et ses séances de coaching que vous pouvez par ailleurs retrouver sur son site « movetobealive« . Le nom de son site internet n’est pas anodin, puisqu’en effet il signifie « Bouger pour être en vie ». D’après la jeune amiénoise, « le fait de bouger son corps a des bienfaits incroyables. Les filles qui viennent aux cours avec moi se sentent bien après et moi, c’est ça que je veux transmettre aux gens ! »
Mais l’influenceuse ne s’arrête pas là, en effet, son esprit est fleuri d’idées, de projets, qu’elle aimerait réaliser : « Globalement, à l’avenir, j’espère pouvoir développer ça encore plus, et notamment pouvoir ouvrir mon propre studio, mon lieu où je permettrais aux gens de venir se faire du bien mentalement et physiquement. J’aimerai beaucoup aussi créer une application, quelque chose qui serait pluridisciplinaire, axé sur le sport, mais aussi l’aide psychologique et pourquoi pas diététique. » La Picarde a donc tout un tas de rêves qui n’attendent qu’à être réalisés. Elle a désormais toute la vie devant elle pour profiter des opportunités de cette dernière et faire preuve d’une détermination sans faille dans l’accomplissement de ses rêves, après le cauchemar dont elle a su se sortir.

Se servir de son vécu pour mieux sensibiliser
Avec une telle histoire, Sybille a à cœur de sensibiliser sur le sujet des TCA, elle qui les a trop bien vécus. Elle parle donc ouvertement de son passif dans la maladie, via ses réseaux ou avec les personnes qu’elle rencontre, comme pour enfin briser le tabou qui règne autour de cette dernière. « L’anorexie mentale ça te prend 99% de tes pensées, c’est vraiment une addiction ». Et cette addiction, la Picarde a su la combattre doucement mais sûrement, pour aujourd’hui affirmer la chose suivante : « Quand j’ai recommencé à retrouver ces choses qui font de moi qui je suis, c’est là où j’ai commencé à me dire que je voulais vivre en fait. J’ai commencé à retrouver le sourire, parce que quand on est malade et en plus en dépression, on ne rigole plus. J’étais vide en fait, vide de l’intérieur et je ne ressentais plus rien. Et le fait de retrouver des émotions, des moments de joie, même les plus infimes, ça m’a vraiment permis de me rendre compte que mon corps n’était pas mon ennemi, mais mon allié. »
Et comme on en parlait précédemment, l’anorexie est une sorte d’addiction. Or, les addictologues disent souvent que l’on est jamais réellement guéri d’une addiction, mais que l’on en devient abstinent. Ce à quoi notre interlocutrice répond : « Honnêtement, ça a été tellement traumatisant comme partie de ma vie, parce que ça laisse des marques c’est une certitude, que je pense que c’est quelque chose qui sera toujours dans un coin de ma tête. En revanche, je ne laisse plus la maladie me dicter quoi que ce soit, je ne la laisserai plus prendre le dessus. On m’a déjà demandé si j’avais peur de retomber dans l’anorexie mentale un jour, mais honnêtement non. Je n’y pense même pas, parce que je ne me laisserai plus anéantir par quelque chose comme ça. »
Concernant la qualification de l’anorexie mentale et physique comme une maladie, la jeune femme tient également à remettre les choses au clair, notamment sur les clichés que notre société peut avoir sur les troubles du comportement alimentaire : « Le physique qu’on a avec la maladie, c’est le reflet de nos souffrances. Mais en réalité peu importe le poids de la personne, qu’elle soit en situation d’obésité, de surpoids, ou à un poids dit « normal », elle peut souffrir d’anorexie, de boulimie, d’hyperphagie et autres. On peut être en surpoids et souffrir d’anorexie. »
Sybille alerte également sur l’importance d’avoir un bon suivi, car elle sait combien il peut être difficile d’être pris au sérieux par certains professionnels de santé comme lorsque, dans son cas, l’anorexie mentale ne déteignait « pas encore assez » sur son physique. Elle raconte : « À l’époque j’étais suivie par une psychologue quand j’ai commencé à tomber dans les TCA. Mais comme je n’étais pas encore atteinte par la répercussion du sous-poids, malgré ma souffrance, je n’ai pas été prise au sérieux. Mais il faut vraiment comprendre que les TCA ne sont pas liés à un poids. C’est une souffrance psychologique pour laquelle il faut être pris au sérieux et ça c’est un gros problème aussi dans les hôpitaux qui ne nous prennent pas en charge tant que l’on n’a pas atteint un certain seuil de maigreur… »
Il est en effet plus qu’important de changer les choses et de renforcer la sensibilisation auprès des gens et des professionnels de santé, afin d’assurer une meilleure prise en charge, qui éviterait sans doute des souffrances trop longues avant la reconnaissance de ces dernières. La jeune femme compte donc se servir de son vécu pour tenter, à son échelle, de faire changer les mentalités et la vision que les gens ont de cette maladie qu’est l’anorexie mentale. À travers ses récits et sa visibilité sur les réseaux sociaux, elle informe et sensibilise les personnes qui la voient ou la suivent, en espérant que cela puisse faire évoluer les choses dans le bon sens du terme.
Finalement pour Sybille : « L’anorexie, c’est le combat de ma vie ».
Pour retrouver Sybille sur les réseaux sociaux :
Tiktok : sybille.fit
Instagram : sybille.fit
Le lien vers le site de réservation de ses cours :
Cours Collectifs et coachings
Rédaction : Lou Duminil
Interview : Lou Duminil et Léandre Leber
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr