PORTRAIT – Handball : Alvine-Maud Noungui, gardienne de valeurs

De Corbie à Montluçon en passant par Abbeville, l’Amiénoise Alvine-Maud Noungui a tout connu ou presque. Dépannant même comme arrière ou pivot à Corbie où elle boucle la boucle. Pour le plaisir…

« Au fond de moi, le hand est toujours resté un loisir. » De la part d’une joueuse qui a été professionnelle, la confidence en dit long sur ce qui anime Alvine-Maud Noungui depuis ses débuts : le plaisir d’être sur le terrain, dans le champ ou dans la cage. Car jouer gardienne et même devenir handballeuse ne s’est pas décidé en un jour pour celle qui a touché ses premiers ballons à Corbie, au HBC, où elle est revenue en 2017.

« Enfant, j’ai fait du judo à Villers-Bretonneux, du tennis à Fouilloy, du tir à l’arc à Corbie et de l’équitation à Boves. » L’énumération donne presque déjà le vertige… Il faut dire que chez les Noungui, si les études passent avant tout, faire du sport fait partie des valeurs transmises, derrière la politesse et le respect, des bases saines qui sautent d’ailleurs aux yeux et aux oreilles quand on discute avec elle. Ce qui n’empêche pas éventuellement de jouer les gros bras ! « Mes deux frères, Sidoine et Quentin, ont fait du football américain chez les Spartiates, à Amiens. Sidoine joue d’ailleurs toujours » explique l’aînée, du haut de ses 36 ans.

C’est dans ses années collège, à Corbie déjà, qu’Alvine-Maud – « à part ma mère, on m’appelle Alvine tout court ou Alma » – a choisi le hand. « Je jouais une mi-temps au poste d’arrière et l’autre gardienne. Je marquais des buts ou je les arrêtais, ça m’amusait ! » rigole encore celle qui va alors devoir faire un choix. « J’ai rencontré Christine Renaud (NDLR : alors directrice du Pôle Espoirs et figure régionale du handball). Elle m’a demandé si je voulais jouer gardienne. Elle a pris un mètre pour mesurer mon envergure, de pouce à pouce » se souvient-elle.

À Fleury-les-Aubrais parce que c’était plus facile d’accès…

Mais l’ado va prendre son temps… « Christine Renaud m’avait proposé une place au Pôle, quand j’entrais en Seconde. Ce qui voulait dire aller au lycée à Amiens. J’ai refusé car mes copines de Corbie allaient toutes au lycée à Albert. Mais je ne m’y suis pas plu. Alors un an après, je lui ai demandé si c’était encore possible et elle a accepté », explique Alvine-Maud Noungui, reconnaissante envers celle qui va donner un coup de pouce décisif à sa carrière.

« Je me retrouve alors à Amiens, à l’internat du lycée Louis-Thuillier, en sport-études handball. Et Christine Renaud me dit : ce sera gardienne ou rien ! » Cette fois, elle fonce ! Elle continue à jouer à Corbie, en Pré-Nationale. Et c’est le tournoi annuel Inter – Pôles qui va donner un coup d’accélérateur à sa carrière. Repérée par deux clubs de l’élite, Brest et Fleury-les-Aubrais, elle n’hésite pas. « En accord avec mes parents, j’ai choisi Fleury, moins loin et surtout plus facile d’accès que Brest. »

La maman d’Alvine-Maud Noungui a soigneusement conservé tous les articles évoquant sa fille, stabilotant les paragraphes où elle est interrogée.

À 17 ans, avec un bac Économique et Social en poche, elle se retrouve pour la première fois loin d’Amiens, mais sans état d’âme. « J’étais la gardienne N°3 dans un club de D1, je jouais un peu en équipe première et sinon en réserve. La N°1, une Roumaine, avait un niveau de folie ! Elle m’a toujours soutenue, me disant qu’un jour, j’y arriverai… Pourtant courir dans la forêt à 8h30, ce n’était pas mon truc, mais ça me faisait rire ! On faisait beaucoup de muscu. Quand je rentrais à Amiens, ma mère ne reconnaissait plus mes jambes tellement elles étaient musclées ! »

J’ai fait l’arrêt de ma vie !

En parallèle, dans le Loiret, Alvine-Maud prépare un BTS Assistante de direction. « Mes parents, mon père surtout, né au Cameroun, tenaient à ce que l’on réussisse d’abord nos études. » C’est aussi pourquoi l’année de ses vingt ans, elle revient dans la Somme, mais à Abbeville. Elle termine ses études et décroche ses premiers jobs, notamment à l’office de tourisme. Sportivement, « Alma » va aussi connaître deux très belles saisons à l’EAL, l’équipe phare de la Picardie de l’époque.

Les Abbevilloises brillent en N1, le 3e niveau national. Mais c’est surtout le parcours en Coupe de France, saison 2005/2006, qui va la marquer, comme les fans de hand samariens. En 8èmes de finale, elles éliminent un club de l’élite, Yutz. Et ensuite, « j’ai vécu le 1/4 de finale historique contre Metz, le PSG du moment. Je m’en souviens : j ‘ai fait l’arrêt de ma vie, devant Isabelle Wendling, la pivot de l’équipe de France. Et il y avait aussi Isabelle Sonia Cendier. Elle, je la voyais armer sa frappe, le ballon était déjà au fond ! » Logiquement mais la tête haute, Alvine-Maud Noungui et ses coéquipières quittent la Coupe.

Un an plus tard, Alvine-Maud Noungui va quitter à nouveau sa région. Et cette fois pour un long bail… Elle est semi-professionnelle, à 21 ans, quand Montluçon (N1) lui propose carrément un contrat pro. Et là, elle va tout connaître : « je fais un essai concluant. Je signe. On se retrouve à huit joueuses pro, dont seulement deux Françaises. On nous appelait les mercenaires… Mais on s’entraînait deux fois moins qu’à Abbeville. » Signe d’un certain amateurisme qui n’annonce rien de bon : « le président avait signé beaucoup de contrats et après quelques mois, on n’était plus payées. »

Avec Montluçon, le club où elle a fait l’essentiel de sa carrière.

Un mal pour un bien pour celle qui va alors se servir de ce qu’elle a appris durant ses études pour « aider à structurer le club. Une nouvelle présidente est arrivée. Je suis redevenue semi-professionnelle, au bout d’un an et demi. » Ce qui ne l’empêche pas de « kiffer » dans la cage montluçonnaise ! Elle joue des barrages d’accession en D2, perdus contre Toulouse, dont la gardienne était la fille de Claude Onesta, l’entraîneur des Bleus : « Il était venu nous saluer. Mais l’année suivante, on descendait en N2. Les meilleures partaient. »

Quand l’ex-gardienne des Bleues, Valérie Nicolas, lui téléphone, elle croit à une blague !

« Je n’ai pas de regrets, même si je n’ai pas joué au plus haut niveau ou en équipe de France » assure celle qui a partagé son logement durant deux ans avec Laurisa Landre, à son époque Fleury-les-Aubrais. Dix ans plus tard, « en 2016, Laurisa était la pivot des Bleues médaillées d’argent aux JO de Rio avant d’être sacrée championne du monde l’année suivante. » Alvine-Maud Noungui n’a pas oublié non plus son téléphone qui sonne « un dimanche. C’était Valérie Nicolas… J’ai cru à une blague ! Gardienne de Nice, en N2 (NDLR : à la fin de sa longue carrière), elle cherchait son binôme. J’ai alors rencontré mon idole (Valérie Nicolas compte 244 sélections chez les Bleues). Mais finalement, je n’ai pas signé car le club ne prenait pas en charge l’hébergement et se loger à Nice, c’est pas donné… » Prudence est mère de sûreté.

« Alma » reste donc dans l’Allier et elle ne se plaint pas. « À Montluçon, le club payait l’hébergement. Les dirigeants m’ont en plus trouvé un emploi de vendeuse dans un magasin de sports. Je me suis associée au gérant avant de devenir la gérante. J’ai toujours pensé : si je me pétais un genou, qu’allais-je devenir ? » Garder les pieds sur terre.

Elle assure donc ses arrières avec un « vrai » boulot, qui devient très prenant et qui fait même d’elle une figure de la vie locale, connue pour ses deux casquettes : la handballeuse et la commerçante. « À la radio, un animateur avec qui je m’entendais bien et qui m’avait interviewée plusieurs fois m’appelait le soleil de Montluçon ! ».

J’ai repris une licence (…), ça me démangeait trop !

Et quand son équipe remonte en N2, l’Amiénoise, radieuse, a 30 ans et elle tient sa promesse : « j’avais toujours dit que j’arrêterai à ce moment-là. » C’est ainsi qu’elle revient à Corbie, il y a six ans. Elle retrouve son premier entraîneur, l’inamovible Rémi Ricard. Mais alors qu’elle vient de décrocher un poste, qu’elle occupe toujours, de conseillère commerciale à domicile chez Generali Assurance, elle se fait une rupture du tendon d’Achille. Huit mois d’arrêt. Deux ans sans jouer. « Du coup, je m’investis au club, je coache l’équipe B. Mais j’ai repris une licence à 33 ans, ça me démangeait trop ! Je me mets à jouer en défense, parfois pivot, je m’éclate comme jamais ! Et là, on monte en N2. Alors je redeviens gardienne, car comme joueuse de champ, le niveau devenait trop élevé pour moi… » Ne pas se prendre pour ce qu’on n’est pas.

La Nationale 2 où le HBC Corbie tient vaillamment son rang cette saison encore… Seule ombre au tableau, la blessure cette semaine de sa capitaine courage : « Ma saison est terminée. C’est un coup dur, se désole « Alma ». En plus, on a une équipe très jeune et on confond parfois vitesse et précipitation » souligne la Corbéenne, impressionnée sinon, pour positiver un peu, par la plus jeune du groupe, Océane Grouet, 15 ans seulement et membre du Pôle Espoirs.

Quant à savoir jusqu’à quel âge elle a l’intention de jouer les prolongations, Alvine-Maud Noungui donne un petit indice en citant l’autre gardienne avec qui elle se relaie, à Corbie : Virginie Bocquet. « Elle a… 50 ans. C’est une machine ! » Voilà qui ne va pas rassurer M. Noungui père qui demande régulièrement à sa fille quand est-ce qu’elle va arrêter pour de bon et pas provisoirement à cause d’une blessure… Bon sang ne saurait mentir.

Vincent Delorme
Crédit photos : DR et Vincent Delorme Gazettesports.fr

Alvine-Maud Noungui. Née le 10 octobre 1985 à Amiens. 1,81m
Clubs : HBC Corbie 1998 à 2003, Fleury-les-Aubrais (D1) 2003 à 2005, EAL Abbeville (N1) 2005 à 2007, Montluçon (N1, N2, N3 et N2) 2007 à 2016, HBC Corbie (N3 et N2) depuis 2017.

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