ÉDITO : À mort l’arbitre ?

Nous avions déjà pointé la bêtise grandissante autour du football il y a quelques mois, puis le poids qui pèse sur les épaules des arbitres amateurs. Une nouvelle preuve terrible en a été donnée le week-end dernier.

La loi des séries est en marche. Le dimanche 13 mars, Enzo Fiorito, arbitre du District Provence, était frappé après avoir exclu un joueur pour « propos grossiers ». Deux semaines plus tard, c’est dans le District de Seine-et-Marne qu’un arbitre a été agressé, là encore suite à une expulsion, le joueur sanctionné ayant, visiblement, fait appel à des connaissances pour assaillir le directeur du jeu. Puis, le week-end dernier, c’est Théo, jeune arbitre du District de la Somme qui était attaqué, d’abord verbalement puis physiquement par deux joueurs et des membres de la famille de l’un d’eux.

Une agression, c’est déjà une de trop, mais cela peut n’être qu’un fait divers. Trois agressions en moins d’un mois, c’est une tendance qui doit alerter. Mettons tout de suite les choses au clair, des arbitres amateurs qui se trompent, qui font des erreurs, ça existe, c’est même normal. Les joueurs, sur les terrains de Ligue ou de District sont loin d’être exempts de toute erreur, pourquoi est-ce que cela deviendrait problématique ou inacceptable de la part des arbitres ?

Alors, où se situe le problème ? Dans le mécontentement constant du joueur, de son entourage et du supporter quant à l’arbitrage ? Certainement un peu. C’est que le football, a contrario de certains autres sports, n’a toujours pas su sacraliser l’arbitre. On pense notamment au rugby où, si des discussions tendent à apparaître, la règle qui consiste à pénaliser de 10 mètres toute équipe contestant une décision fait toujours son effet. Mais sacraliser les arbitres ne peut pas ne passer que par le règlement. Les récents exemples le prouvent : les joueurs sont prêts à encourir des suspensions de licences de 5 ans. Alors un coup-franc rapproché de 10 mètres de son but…

Le respect de l’arbitre et de ses décisions, même quand on n’est pas d’accord, même quand elles sont erronées, c’est aussi et avant tout une question d’éducation et d’apprentissage. Et de ce côté, l’exemple de ce qui est arrivé à Théo illustre terriblement à quel point le foot est démuni sur cet aspect précis. Comment juguler la violence en apprenant le respect de l’arbitre à des jeunes joueurs quand ce sont les parents qui posent problème et montrent le mauvais exemple ? On ne compte plus le nombre de témoignages sur des parents agressifs quand leur enfant est sanctionné ou n’est pas suffisamment mis dans de bonnes dispositions. Mais souvent, c’est dans un parcours de joueur qui suscite l’espoir d’un avenir professionnel. Voir cela sur un terrain de District dépasse l’entendement.

À la recherche d’un remède

Alors comment y remédier ? Plusieurs solutions nous apparaissent, et aucune ne nous semble, malheureusement, satisfaisante. Interdire public et parents autour des terrains ? Les mesures préventives et collectives sont injustes, en plus d’être certainement insuffisantes, puisque même si les entourages des joueurs ne sont pas tout blanc dans les exemples présentés, les joueurs aussi sont directement responsables. Déclarer des week-ends sans football, comme l’a fait le District de la Somme ? C’est certainement un acte symbolique que l’on peut saluer, mais dont on peut douter des réels effets. Un week-end sans arbitre aurait sans doute été plus parlant pour souligner le rôle central de l’arbitre. Mais même cela semble insuffisant. Sanctionner plus durement les coupables ? Une suspension à vie ne serait sans doute pas de trop, mais si 5 ans ne sont pas suffisants, on peine à croire que la dissuasion suffise.

La meilleure solution semble être, encore et toujours, de sensibiliser au respect dès le plus jeune âge, y compris en mettant les joueurs dans la peau de l’arbitre. Mais, là encore, les clubs ne peuvent se substituer aux parents, ni encore moins effacer leur influence potentiellement négative. Si aucune solution miracle ne se dessine, une évidence semble à tout le moins s’imposer : il faut prendre le problème à bras le corps et que les instances réfléchissent de toutes leur forces aux moyens d’éradiquer ce fléau de la violence à l’égard des arbitres. Et vite, afin qu’un drame digne du cinéma n’advienne pas d’ici là.


Morgan Chaumier
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports

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