PORTRAIT – Stéphane Coignon, d’Amiens au Japon, le combat au corps

Les sports de combat, et plus particulièrement le Mixed Martial Arts (MMA), sont en train d’exploser en France. Le nombre de licenciés augmente chaque année et attire de plus en plus de personnes. Cependant, si beaucoup pratiquent cette discipline pour se défouler, peu arrivent à en vivre en devenant professionnels. Voici l’objectif de Stéphane Coignon, 32 ans, Amiénois d’adoption et s’entraînant au Japon. Désormais professionnel depuis un an, il souhaite voir jusqu’où il pourrait aller.

Nous l’avions rencontré pour la première fois lors de la pesée cérémonielle du King of Fighters (KOF) 11, le vendredi 6 décembre. Du haut de son 1m92, il se préparait à vivre un combat rapide face à un adversaire, qui aimait également se battre debout. Et ce fut bien le cas le lendemain. Dans un Coliseum acquis à sa cause, il mettait au tapis son adversaire et remportait le trophée de Knockout of the night. Il nous confiait après sa prestation, avoir « à cœur de combattre chez moi et de me faire connaître du public. » Un coup de pub important pour celui qui a grandi aux alentours d’Amiens. Mais revenons en arrière, avant que son nom ne soit scandé, aux origines de sa passion et de son parcours.

Sa découverte des sports de combats

Stéphane Coignon débutait en tant que karatéka au collège puis, à 16 ans, il découvrait le kick-boxing ainsi que le Full contact à Montdidier. « J’avais du mal à me canaliser, j’avais trop d’énergie. C’est comme ça que j’ai commencé le sport, en général. J’ai notamment fait cinq ans d’athlétisme. J’étais en sport études à Amiens, au lycée Louis Thuillier, mais cela ne me convenait pas. Je suis retourné à Montdidier, dans mon lycée de secteur et un club de kick-boxing ouvrait en même temps. Je voulais changer de l’athlétisme et j’aimais les sports de combat. Je me suis dit : on y va ! » Voilà comment Stéphane Coignon s’est retrouvé dans ce milieu. Hélas, malgré son passage en sport études et sa rigueur, comme beaucoup d’adolescents, respecter une diététique digne de sportifs professionnels n’était pas vraiment dans ses cordes, et cela lui a joué un mauvais tour dont il peut désormais rigoler.

Il se remémore sa première montée sur le ring, à l’occasion des championnats de France de kick-boxing : « Même à 16 ans, j’étais déjà très lourd. Je pesais plus de 90kg et il n’y avait personne dans ma catégorie d’âge et de poids. J’ai dû affronter le champion de France poids lourds adulte. Je prenais des coups forts pour la première fois et je me suis dit : Stéphane, il va falloir que tu montes ta garde (rires) ! » Un premier combat qui n’a pas vraiment tourné en sa faveur, mais qui est apparu comme quelque chose d’unique pour l’Amiénois : « C’était une sacrée expérience ! Notamment devant un public, car j’avais beaucoup de mal à le gérer. Maintenant, cela va beaucoup mieux heureusement ! (rires) » En l’espace d’une année en tant que professionnel, Stéphane Coignon est passé de salles avec 200 personnes à l’antre du Coliseum et ses 3000 spectateurs. Pour lui, apprendre à gérer cette hausse constante des yeux rivés sur sa prestation est due à deux facteurs : « L’expérience, ainsi que le fait d’avoir un bon entourage. Quand vous avez un coach et des amis qui sont là pour vous, on se sent mieux. A l’époque, quand j’étais à Montdidier, je ne me sentais pas du tout encadré par le club ou le coach. J’avais l’impression d’aller tout seul à la guerre. »

La Thaïlande et sa découverte de la boxe thaï

Si sa pratique du kick-boxing était irrégulière, il s’essayait également à d’autres disciplines, comme le football américain, mais sans vraiment trouver celle qui lui convenait. En parallèle, il obtenait un emploi en tant que chef de chantier en réparation de pales d’éoliennes. Combiner une vie professionnelle chargée avec une pratique sportive intensive n’était pas facile. Il délaissa le sport pour se concentrer sur son métier. Cependant, les sports de combat allaient vite revenir dans sa vie. Son occupation professionnelle voyait peu d’activités durant l’hiver à cause du froid et cela lui donnait une bonne quantité de jour de repos. Profitant de ces jours, il décida de partir sur un coup de tête dans un pays étranger. Sa destination ? La Thaïlande. Une véritable aventure pour le Picard, qui comme il nous le confiait, ne parlait pas anglais : « Il y a six ans, je suis parti en Thaïlande tout seul pendant cinq semaines. Je faisais quasiment 120 kilos de gras et je voulais reprendre le sport. J’ai essayé le muay-thaï. J’ai fait un camp d’entraînement et j’ai adoré ! » Un véritable coup de foudre avec ce sport. Dès son retour en France, il reprenait le travail avec un seul objectif : repartir là-bas. « En Thaïlande, ça a été un tout : j’ai aimé le sport, la vie, les gens, le pays est beau. Je m’y suis beaucoup plu ! » Le sport était de retour dans sa vie et son amour pour ce pays ne faisait que grandir de jour en jour. Mais alors, comment s’est-il retrouvé dans le milieu du MMA ? Et bien, c’est grâce au covid. Lors d’un de ses voyages dans sa nouvelle terre d’accueil, alors qu’il n’était présent que depuis deux jours, l’épidémie de covid explosait et les salles de boxe thaï fermaient. Heureusement, une irréductible salle de MMA, située à Bangkok, refusait de fermer ses portes. Sa prochaine destination était donc connue : « Ils m’ont accepté à l’entraînement et c’est comme ça que j’ai découvert le MMA. Il y avait des combattants japonais, dont un qui est devenu un de mes meilleurs amis. J’étais son sparring partner. »

Un knockout pour un contrat

Une double rencontre qui portait ses fruits : « Il y a quelques années, je suis allé au Japon en vacances, je l’ai contacté pour savoir si je pouvais m’entraîner avec lui et avoir un combat pour me tester. Je me suis entraîné pendant deux mois, j’ai adoré ça ! Je m’y sentais tellement bien, que je ne voulais pas repartir. » Alors à Osaka, il tombait sous le charme de cette ville, et plus particulièrement de la région du Kansai, où le paysage urbain et la nature cohabitent, à l’image de la ville de Nara. Grand amateur de randonnée, en une trentaine de minutes, il pouvait facilement partir parcourir des chantiers forestiers. Un cadre, des amis et une discipline qui lui plaisaient, tous les éléments étaient réunis dans cette ville d’une superficie de 225,21 km² (un peu plus de deux fois celle de Paris) pour que le Samarien s’épanouisse.

Obtenir un contrat, du combat aux médias

« Si on prend mes cinq combats en pro, j’ai combattu dans cinq organisations différentes avec des contrats en one-shot. » Souvent, se faire repérer par une organisation passe par des résultats importants, tels que des victoires par ko ou soumission. Cependant, l’autre aspect très important est la présence dans les médias et les réseaux sociaux : « Malheureusement, je ne suis pas très doué pour cela. Il va falloir que je m’y mette, car maintenant, c’est du 50-50. Il faut de la visibilité sur les réseaux pour négocier des contrats avec les organisations ou le sponsoring. Malheureusement, cela compte presque autant que les résultats sportifs. »

Il a pu s’en rendre compte notamment grâce à sa victoire lors de la onzième édition du King of Fighters : « Lors de mon combat en juillet pour Hexagone, malgré ma défaite, j’avais beaucoup plu aux dirigeants d’Hexagone. Ils ont vu mon KO au KOF et le 8 décembre, lendemain du combat à Amiens, j’avais déjà des messages pour aller à Hexagone. […] La vidéo du knockout a fait 400 000 vues sur Facebook en deux jours et cela m’a fait un sacré coup de pub. Et en plus, le KOF l’a déclaré top 5 des KO de l’année. C’est parfait pour moi. » Ce coup de boost au niveau de la popularité lui a amené deux propositions sur la table. L’une venant du KOF, organisation portée par Jérôme Le Banner et l’autre de Hexagone MMA : « A la base, je pensais signer chez eux [le KOF], mais il n’y a presque pas de combattants dans ma catégorie, moins de 93 kg. Ils étaient intéressés pour un contrat de plusieurs combats, mais ils ne savaient pas quels adversaires me donner. La concurrence m’a fait une offre, j’ai signé un contrat de trois combats. Il y avait plus d’adversaires à Hexagone, ceci a motivé mon choix. »

Lier les revenus dans le milieu du MMA

Stéphane Coignon ne s’en cache pas : « Mes combats me rapportent un peu d’argent, mais pas assez pour en vivre. » Pour compléter ses revenus, il peut compter sur un sponsor qui l’aide concernant les frais, en échange de publicité sur ses réseaux. En parallèle, il entraîne également et récemment, le 10 janvier, il avait fait venir un combattant japonais : « J’aidais à traduire et j’étais présent dans son coin, donc je prenais une commission en tant que manager. J’essaye de tout lier, mais en restant dans le domaine du MMA, et d’avoir plusieurs casquettes pour vivre décemment. »

Préparer et progresser dans le MMA

En marge de son prochain combat, le Picard est parti à Nice, au sein du Boxing Club de Nice pour se préparer. Un des meilleurs clubs de France, où chaque mouvement peut être source d’inspiration : « Il y a des combattants qui me donnent des conseils sur leur façon de faire. J’essaye de reproduire ces mouvements, car ce sont des personnes qui sont meilleurs que moi. Le niveau au Boxing Club de Nice est élevé, il y a des gens qui sont extrêmement forts. » Une autre façon de progresser est, tout simplement, « de regarder les autres. » En effet, les techniques sont tellement variées qu’il y a forcément des choses à apprendre auprès de chaque combattant. Stéphane Coignon revient également sur sa défaite lors de son premier combat à Hexagone : « J’ai regardé la vidéo, analysé mes erreurs. J’ai constaté que c’était surtout un manque de condition physique, je me fatiguais beaucoup trop vite, et cela m’a amené à faire des erreurs. » En effet, pour lui, « il faut savoir se remettre en question. » Sa vision du MMA est assez simple : faire preuve de discipline, être régulier à l’entraînement et ne pas rechigner à la tâche, il faut travailler dur. « Les sports de combat reposent sur de la discipline. […] Je considère qu’ils sont semblables à l’école. Quand je rentre chez moi, je re-regarde les vidéos, les photos, je prends des notes sur ce qui a été ou non, les techniques que j’ai apprises. Ce n’est pas juste aller dans une cage et faire la bagarre (rires). »

Un départ tardif, mais des objectifs

S’il a sécurisé un contrat pour trois combats, son prochain sera forcément impacté par ses résultats. Trois victoires lui permettraient de conserver un bon nombre de portes ouvertes, mais trois défaites en fermeraient énormément. Un parcours qu’il aimerait suivre est le suivant : « Je gagne mes trois combats en 2025 et, si possible, je refais un combat au Japon. Cela me ferait quatre combats dans l’année. Je descends en 84 kilos, donc d’une catégorie de poids, en poids-moyens. » Naturellement, l’Amiénois se situe entre 98 et 100 kilos, donc un poids trop léger pour la catégorie des poids-lourds, qui peuvent monter jusqu’à 120. Mais aussi trop important pour les mi-lourds (moins de 93 kilos). Pour atteindre le critère de la catégorie poids-moyens, le Picard sait qu’il faudra s’y prendre à l’avance. « Descendre, si possible, juste avec le régime déjà à 89 kg. Je n’aurai plus que cinq kilos à perdre, la veille du combat. » Mais le combattant ne souhaite pas se jeter tête baissée dans ce projet et veut prendre son temps : « Je compte faire des tests à l’entraînement. Je veux simuler une situation de combat. Donc un régime, une perte de poids, une pesée et le lendemain, à l’heure où je suis censé avoir un combat, je vais faire un sparring avec quelqu’un. L’objectif est de voir comment je me sens, car je n’ai jamais « cut » de ma vie. » Afin de réaliser cela de la meilleure des façons, il n’a pas hésité à contacter des professionnels pour vérifier les protocoles, la quantité d’eau ainsi que le régime à suivre.

Malgré ses débuts tardifs en tant que combattant professionnel, Stéphane Coignon a une petite idée sur la façon dont il aimerait que sa carrière se déroule : « J’aimerais faire une vingtaine de combats pro. » Conscient que son âge est un frein pour viser le Saint Graal du MMA, l’UFC, il souhaite quand même continuer à progresser pour réussir à faire de sa passion sa source de revenu principal : « Maintenant, je pense que je suis trop vieux pour faire comme tous les jeunes, qui veulent aller à l’UFC. J’ai encore beaucoup de progrès à faire et je n’aurai pas le temps avant ma fin de carrière pour y aller. Le but, c’est que d’ici un ou deux ans, je puisse en vivre sérieusement en mettant de côté pour l’avenir. Cela reste une passion, mais on prend des coups. On ne sait jamais quand une blessure arrivera, nous empêchant de combattre. C’est un sport, mais avec des risques. »

Stéphane Coignon a lancé la machine. Il remontera dans la cage, le samedi 1er février, à Nantes, pour un combat contre Gafode Gassama, cette fois-ci, pour la promotion Hexagone MMA. Un combat qui « va être dur, mais intéressant face à un adversaire très solide. »

Cyprien Baude
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr

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