ARBITRAGE – Richard Desgardins, juge des tatamis

Richard Desgardins est arbitre depuis 35 ans, instructeur dans le département depuis une vingtaine d’années et arbitre national depuis maintenant 10 ans. L’ancien militaire est également responsable de la commission d’arbitrage, en tout cas, il l’était pour les deux tournois organisés par le comité départemental de judo de la Somme. Pour cette occasion, il a accepté de nous parler de son rôle d’arbitre dans ce type de manifestation.

« A l’âge de 12 ans, j’ai commencé à être homme d’attaque, ce sont les personnes qui ont un costume pour faire mordre les chiens. » Alors membre d’un club d’éducation canine, il se retrouvait avec une portée de chiots sur les bras. Heureusement, un de ses amis a accepté de s’occuper de cette portée. Il s’avère que cet ami faisait du judo et Richard Desgardins a proposé un échange : « Je lui ai dit, tu viens dans mon club. Et il m’a dit : tu viens dans mon club. » Voilà comment l’ancien militaire s’est retrouvé sur les tatamis pour la première fois. Suite à son service au sein de l’Armée, il a décidé de ne plus être maître chien et de continuer le judo, « tout simplement ». Si la transition fut longue entre ces deux disciplines, c’est finalement au club de Chépy, dans la Somme, que Richard Desgardins a rencontré son professeur Patrick Lefebvre. Sous sa tutelle, le futur arbitre a appris les règles du judo en montant sur le tapis, car tant que l’on n’est pas dessus, « on ne peut pas connaître les règles de l’arbitrage. » Son professeur étant également arbitre, il a naturellement mis dans ce milieu Richard Desgardins et plusieurs de ses élèves. Cette joyeuse compagnie a fait « beaucoup de parcours ensemble », avant que le professeur ne laisse la place à ses élèves.

La pression de l’évènement

Trouver des arbitres n’est jamais facile, mais alors quand il faut gérer sept tapis différents, avec trois arbitres par tapis, sans compter ceux qui s’occupent des résultats et du côté informatique, cela devient extrêmement complexe. Heureusement, Richard Desgardins n’est pas seul et peut compter sur le soutien de son entourage : « Pour aujourd’hui et demain, j’ai l’aide de mon instructeur régional, qui fait partie de la Commission nationale d’arbitrage (CNA), qui m’a envoyé des arbitres. Dimanche, des judokas seront évalués, et pour cela, il faut des arbitres nationaux. Si le samedi, ces arbitres viennent donner un coup de main par plaisir, le dimanche sera tout autre, de par l’importance de l’évènement. » Une situation un peu cocasse pour le responsable, qui se retrouve à gérer des personnes qui sont plus hautes que lui au niveau de l’évaluation. Cependant, cela ne le dérange pas et représente plutôt une fierté.

Mais comment s’est-il retrouvé à ce poste de responsable ? C’est assez simple : il est élu dans son département, responsable de la commission et arbitre national, il est donc obligé de prendre la responsabilité. Heureusement, on ne l’a point forcé avec une arme à la tempe, c’est aussi et surtout une demande de sa part. Un choix qui s’avère venir avec une « légère » pression, notamment de par la présence d’une ranking list, le dimanche : « Je suis en pression depuis un mois. Avec Jean-Louis, qui est mon instructeur, on est beaucoup au téléphone ensemble et il me soulage. Et c’est extrêmement bien parce qu’on communique beaucoup ensemble. Et c’est vrai que c’est une pression énorme. Parce que s’il y a un problème… » Il préfère ne pas imaginer le pire, car personne n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise.

Apprendre des autres et s’inspirer de leurs cultures

Si le samedi, l’enjeu était moindre, cela a permis aux arbitres moins expérimentés d’apprendre auprès de confirmés. « Aujourd’hui, ce sont des minimes, donc j’ai des arbitres inter-régionaux qui sont dans le groupe et qui veulent monter d’évaluation, donc dans le national. J’ai aussi mes jeunes arbitres départementaux, qui profitent de cette occasion pour demander un petit coup de main. » Comme le souligne le responsable, avec des arbitres qui sont très élevés dans le niveau national, recevoir un peu d’aide, ne serait-ce que dans la confirmation de la décision permet de soulager les arbitres, qui peuvent manquer de confiance. Une expérience singulière pour ces derniers, qui ne cachent pas leur joie auprès de Richard Desgardins : « Ils me disent qu’ils sont géniaux, les arbitres. Je dis oui, profitez-en. Il faut prendre leur culture pour pouvoir progresser. »

Le respect de l’homme de loi

Le respect de l’arbitre est d’une importance capitale dans le cadre des arts martiaux. « Même si ça critique un peu ou ça gueule un peu, on respecte l’art. Donc, ce sont des choses qui sont très bien, parce qu’on peut disqualifier un judoka s’il manque de respect envers l’arbitre. » N’oublions pas que l’arbitre est humain et que l’erreur est humaine. « Un arbitre peut se tromper et c’est normal. On n’est pas des robots. On a beau savoir le règlement, on peut être mal placé. Mais après, c’est le respect, c’est tout. » Si certains sports collectifs ne sont pas connus pour le respect de l’arbitre, d’autres se démarquent vis-à-vis du comportement, souvent impeccables, envers l’homme de loi. Un problème pour l’arbitre de judo, qui ne peut s’empêcher d’être attiré par certains sports où il peut retrouver cette valeur du respect qui lui tient tant à cœur.

Prendre du recul pour partir sereinement

Grand amateur de rugby, mais pas pratiquant, sa première fille a d’abord pratiqué cette discipline, avant de suivre dans les pas de son père et de se tourner vers le judo. Mais Richard Desgardins s’est laissé emporter par son rôle de responsable de l’arbitrage, au plus grand dam de son enfant : « J’ai écœuré ma première fille, car je lui en demandais beaucoup trop (rires). » Si sa première fille arrêta le judo, la deuxième prit la relève. Et cette fois-ci, l’arbitre avait appris de ses erreurs : « Je lui ai dit : « Tu as un professeur. Tu restes avec ton professeur. Tu ne t’occupes pas de moi. Si tu as des conseils à nous demander, je peux le faire. » Une initiative payante, car désormais, sa fille est ceinture noire.

Actuellement, le responsable essaye de prendre du recul par rapport au judo, à son plus grand regret. Conscient que ces quatre prochaines années seront ses dernières dans cette discipline et pour partir l’esprit libre, il profite de son expérience de formateur pour donner la main à un jeune, tandis qu’il s’occupe de la responsabilité de la commission. Comme il le dit si bien : « J’ai d’autres loisirs. Je fais des marathons et concilier les deux est très compliqué. Quand je suis au judo, je ne peux pas m’entraîner. Et quand je m’entraîne, je ne peux pas être au judo. » Pour l’instant, son but est « de faire progresser le département, pour qu’il puisse monter le plus haut possible. » C’est à ce moment-là qu’il pourra partir soulagé.

Cyprien Baude
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazettesports.fr

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