SOCIÉTÉ – Sarah Abitbol : « Ma plus belle victoire c’est d’avoir brisé le silence ! »

A l’occasion d’un regroupement de la Ligue Hauts-de-France des sports de glace, Sarah Abitbol est venue encadrer mais aussi témoigner de son parcours et des violences sexuelles qu’elle a subi à l’âge de 15 ans, qui ont bouleversé sa vie à jamais.


Sarah Abitbol, 48 ans, est une ancienne patineuse artistique de haut niveau. Elle qui a chaussé les patins dès 5 ans aura stoppé sa carrière en 2003. Véritable enfant prodige, elle est multiple championne de France, médaillée européenne et même de bronze en 2000 avec Stéphane Bernardis à l’occasion des championnats du monde. Mais derrière cet incroyable palmarès se cachait une sombre histoire, puisque la Nantaise a subi des viols de la part de son entraîneur quand elle était âgée de 15 ans.

Quand le corps dit stop !

Malgré les faits dont elle a été victime, Sarah Abitbol n’a pas lâché le patinage. D’ailleurs à l’époque, ce qui l’a « sauvée » c’est sa rencontre avec Stéphane Bernardis : « Je me suis dirigée vers le couple artistique. Le jour où j’ai démarré, l’entraîneur ne m’a plus approché ».

Un premier sentiment de libération, en sortant des griffes de son agresseur, qui n’efface pas le traumatisme subi. Tout au long de sa carrière, la patineuse à dû composer avec ce qu’elle a vécu et d’une certaine manière son corps exprimait ce mal-être : « Lorsque ça m’est arrivé, en compétition, je pouvais faire quatre chutes de suite dans le programme… On a des pertes de repères qui peuvent se manifester de différentes façons. » Des chutes mais aussi des blessures. En 2002, à quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques de Salt Lake City, Sarah Abitbol est victime d’une rupture totale du tendon d’Achille, « le corps a lâché avant le cerveau. On visait une médaille olympique en 2002. Le sort en a décidé autrement. […] Je pense que c’est le corps qui a parlé et j’ai seulement compris après pourquoi… »

30 ans après, « Un si long silence »

En 2020, alors âgée de 45 ans, la patineuse sort de son silence : « J’ai trouvé le courage de poser les mots, mais arriver à prononcer le mot viol ça a été compliqué…”. C’est au travers de son livre Un si long silence, que Sarah Abitbol brise l’omerta. La Nantaise a fait preuve de courage après avoir été sous le coup d’une amnésie traumatique. Et au-delà de le faire pour elle, dans un processus de reconstruction, elle souhaitait que d’autres victimes puissent s’identifier et se relever.

Autant le dire, l’ouvrage et le témoignage de la décuple championne de France a eu l’effet d’une bombe avec un écho retentissant à l’international, ce à quoi elle ne s’attendait pas : “Au moment où j’ai écrit, je ne savais pas l’impact que ça allait avoir. Je ne savais pas que j’allais être si entendue et que j’allais continuer le combat de cette façon là. Je suis heureuse et convaincue qu’aujourd’hui j’ai bien fait de parler et de continuer à libérer la parole des autres.” Une écoute inattendue pour Sarah Abitbol, qui avait alerté plusieurs années auparavant les instances, jusqu’au Ministère des Sports, mais son témoignage avait été passé sous silence par le Ministre de l’époque…

Un témoignage à l’ère du #MeToo, qui en a amené d’autres…

Après avoir brisé le silence, 900 cas ont été signalés au Ministère des Sports, avec plus de 50 fédérations concernées. Une tristesse en soi de découvrir autant de cas de violences sexuelles mais qui démontre l’importance du témoignage de Sarah Abitbol. La patineuse porte aujourd’hui un regard positif sur l’impact de son témoignage dans sa reconstruction : “J’ai eu des médailles aux championnats, mais ma plus belle victoire c’est d’avoir brisé le silence. C’est la médaille d’or olympique que je n’ai pas eue.”

La Nantaise a d’ailleurs créé une association “La voix de Sarah”, pour poursuivre la libération de la parole de l’ensemble des victimes de violences sexuelles, dans le milieu du sport et ailleurs. Écouter, protéger, orienter et libérer la parole sont les maîtres mots de la structure passant à la fois par des conférences pour que chacun puisse combattre ce fléau à son échelle mais aussi par des sensibilisations en milieu scolaire. 

Le patinage comme exutoire

En parallèle, Sarah Abitbol n’abandonne pas sa discipline de cœur et a souhaité parler avec son corps, sur la glace, de ce qu’elle a traversé. La patineuse monte un numéro chorégraphié, qu’elle présente lors des spectacles Holiday On Ice : “C’est un spectacle pour soutenir la cause, et c’est important qu’Holiday On Ice accepte de le produire. […] C’est un numéro puissant, qui veut dire plein de choses. Il exprime ces trente années de silence, cette résilience et montre qu’on se relève, qu’on va bien et qu’on va mieux.”

Dernièrement, elle a également monté une exposition photo avec Tom Bartovic, pour “passer des messages forts, puissants mais aussi artistiques afin qu’on puisse l’exposer dans les institutions, les fédérations etc.

La culpabilité et la honte sont passés de l’autre côté”

Sarah Abitbol

Aujourd’hui, « la culpabilité et la honte sont passés de l’autre côté. Je regarde cela  différemment. Ça m’a fait du bien d’en parler et de voir l’impact que ça a pour tous les autres. […] Je reçois des lettres, c’est tellement fort et puissant. J’aide beaucoup beaucoup de monde ». Pour Sarah Abitbol, désormais, aider les autres fait partie d’une reconstruction : “Ça permet de continuer le combat de manière positive. Quand on peut aider quelqu’un et qu’il te dit qu’il va mieux grâce à toi, tu te dis que tu as au moins gagné ta journée ! Que tu as fait quelque chose de bien, que tu as continué et que tu es un exemple !”

Des maux, qui sont devenus le combat d’une vie pour la Nantaise qui en parallèle continue de monter sur la glace pour former les champion(ne)s de demain, comme ce fut le cas à Amiens ces jours-ci.

Retrouvez les images de la venue de Sarah Abitbol :

Dorine Cocagne
Crédit photo : Louis Auvin – Gazette Sports

Leave a Comment

Your email address will not be published.

Start typing and press Enter to search