SPORT HANDICAP : Entretien avec cynthia bois-brioux

Conseillère technique fédérale Haut de France du Sport Adapté et enseignante APA, Cynthia Bois Brioux nous parle de son quotidien auprès des personnes en situation de handicap.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Cynthia Bois-Brioux, je suis Enseignante Activités Physiques Adaptées (APA) et salariée conseillère technique fédérale Haut de France au niveau du Sport Adapté mais surtout sur le comité départemental de la Somme. On travaille essentiellement avec un public en situation de handicap mental et/ou psychique au niveau du Sport Adapté. Notre principale mission, c’est d’offrir à toute personne en situation de handicap mental ou psychique, quelque soit ses capacités, et ce dont elle a envie de pratiquer, quelque soit ses désirs, la possibilité de pratiquer un sport. Que le sport soit bien entendu accessible à toute personne.

C’est vous qui orientez les personnes en situation de handicap vers des structures adaptées?

Oui, c’est ça, il y a plusieurs façons de voir les choses. On a plusieurs orientations, soit les familles nous appellent et on les dirige vers des clubs sportifs qui sont affiliés chez nous ou qui souhaitent accueillir des personnes en situation de handicap. Par contre sur Amiens, il n’y a pas foule on va dire sur le nombre de clubs. C’est quand même une quinzaine de clubs actuellement qui ouvrent leurs portes à notre public ou alors il y a l’autre formule, ou tous les jeudi et mardi on fait des portes ouvertes, des journées ou des compétitions ou l’on accueille des établissements spécialisés ou des familles dites « isolées » ou les enfants sont scolarisés. Ce sont des initiatives multisports avec toutes les disciplines possibles, toutes les familles de sport, ça peut être des sports de combat, des sports individuels, des sports de raquette.

On parle ici d’événements ponctuels, c’est à dire que c’est un public qui vient faire du sport mais qui ne va pas forcément dans la pratique longue durée, comme par exemple pratiquer dans un club ?

On va dire qu’ils ont leur licence dans des clubs, mais en général la spécificité de notre public, c’est qu’ils aiment pratiquer plusieurs disciplines. C’est vrai que dans le « monde ordinaire » on aime bien avoir une discipline et on s’y attache. Eux en fait avec la licence sport adapté, elle est multisports donc ils ont la licence et tous les jeudis, ils viennent sur nos manifestations faire à chaque fois un sport différent.

Pour revenir sur la période Covid, c’est public qui a été totalement privé de sport pendant une très longue période, vous pensez que pour ce public là justement le sport a encore plus d’importance ?

Oui totalement. Ils ont vraiment besoin de cette activité-là parce qu’autant pour nous c’est déjà un défouloir, mais eux, ils n’avaient plus le droit de sortir. Nous on continue de faire nos courses ou autres, eux ils étaient vraiment entre eux, avec les éducateurs et les autres résidents. Ils ont vraiment besoin de ce moment de relaxation, de moment d’épanouissement. J’en ai encore croisé hier qui m’ont montré vraiment leur motivation quant à la reprise des manifestations sportives parce que là, c’est vraiment un réel besoin. Après pour pallier ce manque on avait mis en place des visios, avec des défis où il y avait des éducateurs référents, on a mis tout ça en place parce qu’on s’est aperçu qu’il y avait un gros manque. C’était aussi pour garder un lien avec eux.

Vous parliez tout à l’heure qu’Amiens n’avait pas forcément énormément de club qui accueille ce type de public. On a pourtant l’impression qu’Amiens est engagé sur la question, comment expliquez vous cela ?

On va dire que sur la part de clubs totale qu’il peut y avoir, la proportion est encore faible. Après c’est du à plusieurs choses, au manque de communication sur le sport adapté et le handisport, beaucoup de méconnaissance, le regard des autres aussi, les parents ont parfois peur de passer la porte du club parce qu’ils ne savent pas comment ils vont être accueilli, est ce qu’ils sont diplômé, est ce qu’il va y avoir des rires, des moqueries et puis après sans compter tout ce qui est aussi transport les établissements peuvent parfois ne pas se déplacer parce que les éducateurs sont pas en horaires ou parce que les parents travaillent donc parfois ce n’est pas que de la faute des clubs non plus mais je pense qu’on pourrait augmenter la part de club accueillent des personnes en situation de handicap.

C’est aussi en terme humain, il faut aussi que sur place, il y est des personnes qui puisse les guider parce que ce n’est pas forcément un public suffisamment autonome, sur place, il faut les aiguiller, il faut installer le matériel pour eux parce qu’ils ne sont pas forcément capables de le faire seul. Il faut quand même des moyens humains, financiers donc forcément ça demande du temps et ça a un coût pour les clubs, c’est logique. Il y a plus de contraintes qu’avec un public valide.

Est ce que vous a votre niveau vous formez les clubs à justement accueillir ce type de public ? Ou alors les clubs se forment tout seul?

Tout à fait, on a des formations. La plus connue actuellement c’est l’AQSA qui se fait de manière assez rapide, c’est vrai que contrairement à d’autres formations ou l’on s’engage sur un volume horaire de 100 heures, l’AQSA se fait en trois modules mais assez rapide, les deux premiers se font sur 3 jours, lundi mardi et mercredi et durant les périodes scolaires comme ça ceux qui travaille peuvent tout de même en bénéficier et sur le module 3 c’est une petite formation donc au totale on est à peu près à 60h de formation et donc forcément c’est un petit plus, ça rassure.

Les Jeux Paralympiques à Paris vont-ils selon vous favoriser et mobiliser plus de monde autour de la question du handisport et du sport adapté?

Oui, les agglomérations, les métropoles commencent un peu à valoriser le sport adapté, le handisport et effectivement, le fait que ce soit en France les gens vont plus s’y intéresser selon moi. On l’a vu avec le pique d’intérêt du sport adapté, en étant responsable moi à la ligue haut de France de formation, j’ai pu m’apercevoir depuis l’annonce des JO en France d’un accroissement en termes de demande de formations. Ça y est, tous les clubs veulent se former sur le sport adapté parce qu’ils veulent emmener leur sportif aux JO et on voit bien une impulsion. Il faudra voir par la suite si on a des bonnes retombés, mais je suis très optimiste. Même au niveau de nos sportifs, de nos clubs peut-être que certains vont se rendre compte que les personnes en situation de handicap sont aussi capables de faire du sport, d’obtenir des médailles, ça va vraiment lancer une dynamique, je pense.

Vous parliez tout à l’heure d’un manque de communication mais vous sentez tout de même un réel besoin et une réelle demande ?

Oui beaucoup, on a fait pas mal de réunions en ce moment avec le conseil départemental, avec des agents des métropoles, des agglomérations et on s’est aperçu qu’il y a une réelle demande, mais on n’en avait pas forcément connaissance. C’est vraiment en organisant ces réunions la très récemment qu’on a pu observé une réelle dynamique. Mais malheureusement, il ne savait pas vraiment où se tourner, au départ, il n’y avait pas de salarié, je suis arrivé il y 2 ans seulement, avant, c’était bénévoles. Après, ils ne savent pas trop où aller, il y a Internet, ils tapent handisport, ils ont des contacts un peu au hasard, ils essayent d’appeler, ça ne répond pas et puis il laisse tomber. C’est vrai qu’en termes de communication si on avait un support, un site bien clair avec tout le mouvement sportif à destination des personnes en situation de handicap je pense que ça faciliterait les choses. Ça pourrait même être sur le site de la métropole avec une rubrique spécifique, on va dire que pour l’instant, c’est un peu flou, surtout pour les parents.

Comment travaillez- vous avec les clubs, est-ce que votre relation avec eux est bonne ?

Oui, on travaille étroitement avec eux, on les sollicite tout le temps, c’est vrai que la dynamique des clubs pour le moment, c’est un peu de rester de leur côté. Si je n’impulse pas la dynamique, souvent les clubs ne viennent pas vers nous. C’est vraiment à nous de le faire. Mais dès que c’est enclenché, ça se passe très très bien, ils nous appellent “j’aimerais bien organiser une journée sport adapté, est ce que vous pouvez envoyer des invitations” on fonctionne très bien ensemble, en corrélation. De toute façon, c’est dans notre intérêt à tous les deux.

Les jeunes s’engagent aussi, avec l’apparition de nouvelles filières ?

Oui, c’est vrai, notre métier d’enseignant APA on ne le connaissait pas trop il y a encore quelque temps, mais ça commence à changer. On en entend de plus en plus parler. C’est vrai que les STAPS commencent à former, il y en a d’autres qui parle aussi du sport santé, du sport adapté, des formations, je pense qu’au départ, c’était méconnu, il n’y avait qu’une antenne STAPS qui proposait ce type de cursus, aujourd’hui, on a d’autres structures et je pense que ça devient intéressant, et les jeunes commencent à trouver leur place.


Propos recueillis par Hugo Degl’innocenti et Quentin Ducrocq
Crédits photos : DR

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