PORTRAIT : Appoline Belleperche, quand la curiosité transforme la pratique en passion
Appoline est devenue non-voyante à l’âge de 18 ans. Elle a découvert le tir à l’arc grâce à une amie qui l’a emmenée au club du HSAM. Pour la jeune femme qui a aujourd’hui 24 ans, le tir à l’arc a une place importante dans sa vie.
L’arrivée du handicap qui pousse à retravailler ses acquis
Appoline est une jeune femme qui a perdu la vue à l’âge de 18 ans. Elle a dû réapprendre à vivre en utilisant ses autres sens. Après une longue période de rééducation et des proches qui ont su l’aider à trouver ses repères, la jeune Amiénoise est désormais pratiquement autonome, à la maison comme en ville.
Pourtant, cela n’a pas toujours été simple. Être dans une ville dans laquelle on n’a plus aucun repère visuel du jour au lendemain demande à repartir de zéro. Avec l’aide de ses autres sens, Appoline a dû apprendre à se repérer seule dans les rues pavées d’Amiens. Aidée dans un premier temps par une canne rouge et blanche, la Samarienne reçoit finalement, depuis deux ans maintenant, l’aide d’une drôle d’amie. Elle s’appelle Sakura. C’est une femelle labrador, aujourd’hui âgée de 4 ans et qui, depuis petite, a été élevée et éduquée par une association de chiens-guides d’aveugles. Depuis deux ans maintenant, la jeune femme et sa fidèle partenaire poilue sont devenues presque inséparables.

Un parcours qui l’a menée vers le tir à l’arc
Non-voyante depuis maintenant six ans, Appoline ne s’est pas arrêtée de vivre pour autant et a su faire de son handicap une force. Ayant pratiqué différents sports avant de perdre la vue tels que la danse, l’équitation et la course à pied, elle a tenu à continuer d’entretenir une pratique physique et sportive régulière. Avant de découvrir le tir à l’arc il y a trois ans, la jeune femme s’était déjà essayée à d’autres disciplines : « J’ai fait du cécifoot, du torball, de la zumba et d’autres danses. » Ces pratiques ont certes pu l’aider à travailler ses repères et l’usage de ses autres sens, mais elles n’ont pas vraiment conquis son cœur.
Il y a trois ans, Appoline a fait la connaissance de Chantale, licenciée d’une association pour les malvoyants et non-voyants d’Amiens, mais aussi licenciée au HSAM. Pratiquant le tir à l’arc pour déficients visuels au HSAM, Chantale, étant elle-même non-voyante, a permis à Appoline de découvrir cette discipline : « Je connaissais le tir à l’arc en étant voyante, mais pour moi c’était un sport « sans plus », qui ne m’attirait pas spécialement. »
Dès sa rencontre avec Chantale, l’Amiénoise a été tentée d’ouvrir cette nouvelle porte qui s’offrait à elle : « Je ne savais pas qu’on pouvait faire du tir à l’arc en étant non-voyante. Au fur et à mesure que Chantale m’en parlait, ça m’a motivée pour en faire. » Cette amitié a permis à la jeune femme de découvrir cette pratique, pour laquelle elle a finalement craqué.

Un sport qui fait du bien, physiquement et mentalement
Pour Appoline, le tir à l’arc en étant voyante n’était pas une pratique qui l’attirait spécialement. Mais, aujourd’hui, elle admet que cette discipline lui apporte de nombreux bienfaits : « J’aime le tir à l’arc parce que ça m’apporte de la confiance en moi, ça m’aide à être plus à l’aise avec les autres. » Un sport qui aide à travailler sa sociabilité, notamment grâce au club et aux nombreuses personnes qui s’y trouvent lors des soirs d’entrainement dédiés au tir à l’arc, lors des sessions de boccia auxquelles d’autres licenciés participent de l’autre côté du gymnase Stéphane Fournier. « Le tir à l’arc me fait du bien mentalement, c’est important pour moi et ça me fait aussi changer d’air pour éviter de rester enfermée chez moi. Ça me fait une sortie. » Il est vrai que pour certaines personnes en situation de handicap, rester chez soi peut parfois sembler plus simple que de sortir et côtoyer du monde, notamment chez certaines personnes non-voyantes qui pourraient préférer rester chez elles au lieu de sortir. Parfois de peur de se perdre, de se blesser avec les potentiels obstacles présents sur les trottoirs et chemins, ou de ne pas avoir les repères nécessaires pour se diriger partout dans la ville, contrairement à Appoline qui a su créer les siens pour justement éviter l’isolement.
Son expérience peut être considérée comme un exemple, prouvant que malgré le handicap que représente le fait d’être non-voyant, rien n’est impossible si l’on trouve les bonnes adaptations. Et que la vie a trop de choses à offrir pour subir son handicap en s’isolant du monde.

Un passe-temps devenu passion
Cette attirance pour le tir à l’arc a transformé la jeune Amiénoise. Elle qui, à la base, venait simplement tirer pour se changer les idées, est finalement tombée pour de bon sous le charme de cette discipline. Aujourd’hui, elle pratique toujours au club HandiSport Amiens Métropole, avec quatre autres licenciés dont son amie Chantale. Ces derniers sont encadrés par les bénévoles et services civiques du club, à raison de deux sessions hebdomadaires. Avec l’aide d’un pas de tir dont les repères sont fixés par une sorte de potence métallique, Appoline peut caler ses pieds entre deux barres de fer au sol, reliées à la potence, pour lui permettre de mieux s’orienter sur le pas de tir. En haut de la potence est également installée une tige en aluminium, couverte d’un embout pour que la jeune femme puisse caler le dos de sa main contre la tige et la diriger pour tirer à hauteur de cible. Ces adaptations permettent à la samarienne de pratiquer dans les meilleures conditions et en évitant les risques de blessures. Lorsque le niveau progresse, la suite logique pour beaucoup de sportifs est de vouloir s’essayer à la compétition. Alors, après trois ans d’entrainement, Appoline s’est fixé des objectifs qu’elle souhaiterait bientôt réaliser : « Je n’ai pas encore fait de compétition, mais j’ai pour projet d’en faire dès l’année prochaine. Je fais aussi partie d’un autre club, « Compagnie d’arc », où on est aussi bien encadrés et c’est davantage centré sur la compétition, ce qui me motive encore plus à continuer dans cette discipline. »
Une fois de plus, la Picarde démontre sa motivation pour ce sport et aimerait ainsi confier à toutes les personnes malvoyantes ou non-voyantes qui souhaiteraient s’engager dans une pratique sportive que « si ces personnes ont envie de faire un sport, comme le tir à l’arc par exemple, il faut foncer, parce qu’on peut tous avoir des adaptations et que ce n’est pas parce qu’on ne voit pas qu’on ne peut pas faire de sport ! »
Lou Duminil
Crédit photo : Théo Begler – Gazettesports.fr





