PORTRAIT – Philippe Barbier, l’écho du sport samarien
Philippe Barbier fait partie du paysage sportif amiénois et samarien depuis maintenant plusieurs années. Il aura toujours fait preuve d’engagement dans le milieu de la course à pied ou du cyclisme, particulièrement en tant que bénévole. Sa voix résonne encore et toujours au départ de certains tracés.
Sans penser à dire son prénom, Philippe Barbier parle avec plaisir et envie de sa vie et de son expérience. Coureur, cycliste, entraîneur, professeur d’histoire-géographie, journaliste de sports et capable de dénicher LA discipline pour quelqu’un. Même à 75 ans, il ne peut s’empêcher de partir vadrouiller avec son vélo, et cela malgré sa période de récupération suite à une opération. Ce passionné n’a cessé de partager sa passion pour le sport, notamment la course à pied, que ce soit à travers ses entraînements ou encore ses articles pour le Courrier Picard. S’il a désormais pris du recul, il conserve une quantité de casquettes assez impressionnante. Entre ses interventions de speaker, ses créations de courses, ou encore ses nombreuses sorties à vélo, son emploi du temps est aussi chargé que celui d’un ministre.
Une grippe, un journal et une passion
Son amour pour le sport a une origine assez intéressante. Nombreux sont ceux qui, de nos jours, tombent sous le charme d’une pratique sportive via une vidéo, un membre de sa famille ou encore directement au sein d’un stade. Pourtant, Philippe Barbier a débuté sa romance à travers les pages d’un journal acheté par son père, La Voix des Sports, un jour de grippe : « J’ai ouvert le journal et j’ai vu que le soviétique Vladimir Kutz avait battu le record du monde du 5000 m. Comme j’ai toujours été quelqu’un qui aimait les chiffres, les nombres, les temps, ça m’a fasciné. Je sais encore qu’en 13’35, il avait battu d’une seconde le record du monde du britannique Gordon Pirie. Voilà, c’était en 1957 et j’avais 8 ans. » Un coup de foudre qui dure encore, plus de 65 ans après.

Le joyeux Samarien s’est prêté à la course à pied, dont le cross où il se souvient très précisément de celui de Sierre-Zinal, qui l’a marqué à vie : « En tant que coureur, je pense que ça dépasse tout, parce que quand vous courez Sierre-Zinal, vous montez à 2400 mètres d’altitude, et autour de vous, il y a cinq sommets à plus de 4000 mètres, qui sont tout blancs, même l’été, bien sûr. Et le cadre est absolument extraordinaire. C’est une beauté indéfinissable. » Bien évidemment, gare aux appuis, car en montagne, un faux-pas peut coûter cher, mais, il prenait toujours le temps de s’imprégner du paysage. Pourtant, en complément de ses foulées sur route, il affectionne particulièrement le vélo et, a fortiori, les cols des Alpes. « Alors, justement, tous mes amis le savent, je lance un défi perpétuel qui est de ne jamais mettre pied à terre dans une montée de col. Même si j’ai envie de faire pipi (sic), j’attends d’être au sommet pour le faire. Je disais que si je mettais pied à terre, je serais la honte de notre corporation. Pour rire, bien sûr. Mais enfin, ça m’oblige à monter jusqu’en haut sans m’arrêter. Bien sûr, ce sont les cols des Alpes, les grands cols. Je les ai pratiquement tous montés. »
De sportif à entraîneur
Très tôt dans sa carrière de sportif, il rejoignait le RCA, en compagnie de camarades de classe, avant de suivre son frère à l’Amiens UC. Là-bas, l’entraîneur de l’époque, René Choquet, partait en Algérie réaliser son service militaire, laissant donc vacante cette position. Et alors qu’il n’avait que 18 ans, le jeune Picard passait ainsi ses examens d’entraîneur d’athlétisme pour combler le vide, plus particulièrement dans les courses de fond. C’est ici qu’il rencontrait Chantal Langlacé, par exemple. Finalement, après de nombreuses années dans cette structure, il partait en direction de l’ESCAPADE, en compagnie de ses athlètes. Malheureusement, la structure s’avérait trop petite, et il se tournait vers le RCA, de nouveau. « C’était assez formidable pour l’entraînement parce qu’ils ne se blessaient plus sur le gazon. C’était idéal. » Seul hic : les bonnes performances des sportifs, qui forcément demandaient un apport financier important et difficile à assumer pour les pensionnaires du Stade Charassain. Parmi ses nombreux élèves, certains sont plus connus du grand public, comme Chantal Langlacé, Fanny Leleu, Mélanie Doutard ou encore son grand ami Martial Timber.
De coureur à fondateur, ses souvenirs de parcours
Comme écrit plus haut, si Philippe Barbier a arpenté de nombreux tracés à pied en tant que sportif, il a également activement participé au balisage de certains, notamment quand il se retrouvait au sein de l’organisation du 100 km du Val de Somme. Indépendamment d’essayer de le courir, ce qui s’avérait bien âpre de par ses responsabilités, il devait flécher le parcours. Alors, en compagnie de trois ou quatre bénévoles, avec les coffres de voitures chargés de gros pots de peintures malsaines pour l’organisme, les baliseurs marquaient au pinceau le trajet à emprunter. « Il fallait faire, je ne sais plus combien, mais le nombre de flèches était démentiel à tracer. » Au terme de la journée de peinture, les coureurs pouvaient s’élancer le lendemain, sans avoir besoin d’une carte. Bien sûr, autre que des flèches ou des croix, les peintres d’un jour s’amusaient à inscrire des petits encouragements, mais aussi des bêtises, à destination des téméraires. Malheureusement pour le Picard, ce travail fastidieux ne lui permettait pas de réaliser de belles performances le jour J, car « à chaque fois, j’étais un peu malade après, d’abord des douleurs musculaires dues au fait qu’il fallait se pencher en avant toute la journée, et puis la respiration de la peinture. »
En 1978, si j’ai proposé, c’est parce que j’adorais les longues distances, j’adorais courir dans la campagne. Quand je courais à l’entraînement, j’avais l’impression que je pouvais courir sans limites, que j’avais, comme Chantal Langlacé, de l’endurance. J’avais moi-même participé, quasiment en touriste, à un 100 km en montagne à Bienne en Suisse, 10 ans plus tôt. Je me disais qu’au fond, le Val de Somme, ce serait un terrain idéal pour faire un 100 km, avec les petits villages, les routes à peu près plates, avec quand même l’arrivée à Amiens, le passage à Abbeville, du public potentiel. Et c’est en courant de longs footings d’entraînement dans la campagne qu’un jour, l’idée a germé dans mon esprit. Ca a été bien quand même, même s’il a été interrompu à une époque. Il est toujours d’actualité, et c’est un de mes anciens élèves, Aurélien Dassonneville, qui a gagné la course. J’étais très fier que ce soit un ancien élève.
Philippe Barbier, concernant la genèse du 100 km
Le bénévolat, un volet important de sa vie
Comme il le dit si bien, sa carrière dans le bénévolat aura touché un grand nombre de domaines. S’il donnait de son temps principalement pour l’organisation de courses telles que le Jogging des Personnalités, il était également correspondant pour le Courrier Picard et à l’origine du 100 km du Val de Somme, il y a maintenant 40 ans. Tout cela en parallèle de son métier de professeur, qui est sans aucun doute une vocation familiale quand on sait que sa mère, feu son frère ainsi que sa sœur étaient également enseignants. « Je pense qu’on sentait le besoin, tous dans la famille, de transmettre ce qu’on savait ou ce qu’on pouvait savoir, le savoir étant toujours relatif, bien sûr. »

L’autre volet de sa vie de bénévole est celui de speaker, une casquette qui rendra sa voix indissociable de plusieurs courses samariennes. S’il venait à prendre le micro lors de l’organisation de la René Choquet, il se souvient également d’un cross départemental, vers la fin des années 70, où un malheureux annonceur ne connaissait pas beaucoup les coureurs. « Je m’étais mis à côté de lui, je l’ai aidé à les citer quand ils passaient, et, à un moment, il m’a dit : « Prends le micro, tu vas faire mieux que moi. » J’ai pris le micro, et tout le monde m’a demandé d’être speaker aux courses organisées. » Durant 40 ans, sa voix résonnait sur les lignes de départ et d’arrivée, à travers la Somme. Là aussi, ses apparitions s’amenuisent, mais il continue d’animer quand des amis lui en font la demande. Parmi ces nombreuses années où il prêtait sa voix, une course se démarque, la Transbaie.
En tant que speaker, ma course préférée, c’est incontestablement la Transbaie. Parce que d’abord, je l’ai courue et je l’ai aimée, c’est très varié. Vous courez sur du dur, puis dans du sable, puis dans de la vase, puis dans de l’eau, et vous revenez, le tout au milieu de la baie de Somme, qui offre des horizons illimités ! En même temps, j’adore Saint-Valery, parce que c’est une cité qui a une histoire extrêmement riche, et qui est également, sur le plan de la géographie, extrêmement intéressante. J’étais prof’ d’histoire-géo. Alors, avant le départ de la Transbaie, quand j’ai devant moi entre 6 000 et 7 000 coureurs qui sont assis par terre, attendant que le départ soit donné et que la marée ait assez descendu, il faut que je meuble. Je raconte l’histoire de Saint-Valery avec ses héros. Il y a deux héros à Saint-Valery, c’est Guillaume le Conquérant, qui a stationné là trois mois avant d’aller conquérir l’Angleterre, et Jeanne d’Arc, qui est passée prisonnière des Anglais avant de se faire brûler vive à Rouen. Ces personnages-là me font vibrer, et j’essaie de transmettre aux coureurs un petit peu de savoir, pour qu’ils ne repartent pas de la Transbaie sans avoir rien appris. Il y a aussi la géographie, parce que Saint-Valery, c’est un lieu de lutte entre la terre et la mer. Au Moyen Âge, la mer montait beaucoup plus haut. La marée allait jusqu’à Abbeville. À cause des destructions des falaises de la Normandie, des débris se sont accumulés, et la baie était peu à peu comblée. Avec le réchauffement climatique, on dit que les océans montent ; cependant, à Saint-Valery, c’est un peu le contraire. C’est la terre qui gagne sur la mer, et non pas la mer qui gagne sur la terre. J’adore expliquer ça aux coureurs qui sont là, et d’un seul coup, c’est l’heure du départ, on entend un petit train qui siffle ; s’il y a le petit train de la baie de Somme, ça veut dire qu’il est l’heure d’y aller. Donc je libère les concurrents.
Philippe Barbier
Parmi la myriade de souvenirs en tant que bénévoles, il a toujours plaisir à croiser et à être reconnu par d’anciens athlètes. Il avoue, en toute modestie, être flatté quand cela vient à lui arriver. De même, car nous y avons touché deux mots sans vraiment développer, il était correspondant, puis pigiste pour le Courrier Picard. Et donc, a fortiori, il publiait de nombreux articles concernant les résultats des différentes courses. Malheureusement, il quittait ce poste il y a moins d’une dizaine d’années et, depuis, il constatait, un peu abasourdi, le manque de médiatisation de cette discipline dans le quotidien local. Si l’activité en elle-même ne lui manque pas, il regrette d’ouvrir le journal et de ne rien voir. « Ça me crée à chaque fois une sorte de petit malaise et les coureurs haussent les épaules. »

Le jogging des personnalités
A peine « jogging des… » avait été prononcé, que le visage de Philippe Barbier s’illuminait et il complétait « Personnalités ! » Ni une ni deux, il se remémorait avec joie cette période qu’il décrivait comme « un moment incroyable de mon existence. » Lors de ce rendez-vous, on pouvait aussi bien croiser des députés, que l’évêque d’Amiens, Miss Somme, ou encore des chanteurs et des sportifs en tout genre. Parmi ses nombreuses façons de manier l’humour pour amadouer les célébrités, il se souvient de son appât utilisé pour attirer dans ses filets le directeur de la Maison de la Culture. « Et je lui ai dit : je reprends une phrase de Rabelais, « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, et pour moi, sport sans culture n’est que ruine de l’âme. C’est pourquoi votre place est au jogging.» Ça l’a fait beaucoup marrer, et il est venu. »
Comme il le dit si bien, « le seul problème, c’est que pour avoir beaucoup de personnalités, il faut les inviter une par une en les flattant un petit peu. Enfin, gentiment, bien sûr. J’écrivais pratiquement à 600 personnes pour essayer d’en avoir 150. » Parmi les coureurs, on pouvait retrouver Monsieur le Maire, Hubert de Jenlis, qu’il s’était amusé à renommer Ulysse de Jeanbert, car « Ulysse, puisque vous avez l’habileté du politique. De Jeanbert, ça évoque un chevalier. Vous êtes fougueux et brave comme un chevalier du Moyen-Âge. » Une contrepèterie que le public présent ainsi que le principal intéressé avaient appréciée. « Seulement, c’était un travail énorme », avouait le passionné d’histoire. Finalement, c’est au bout de 25 éditions, de nombreuses, très nombreuses lettres d’invitations, que le Jogging des Personnalités prenait fin, en 2023.
Désormais plus en retrait, ce n’est pas pour autant qu’il prend racine ! Malgré son jeune âge, son emploi du temps est bien rempli entre ses activités de bénévole et ses nombreuses sorties en vélo ou en VTT. Si un jour, durant la mauvaise saison, vous entendez au loin quelqu’un entonner Le Plat Pays de Jacques Brel ou bien La chanson du Mal Aimé d’Apollinaire, ne vous inquiétez pas, Philippe Barbier ne fait que passer en VTT le long du Chemin de Halage.
Cyprien Baude
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr
Huant Lepine
4 semaines agoMerci encore ,Philippe pour m’avoir nommée alors que je franchissai la ligne d’arrivée place Gambetta lors de l’une des premières éditions de l’Amienoise alors que j’étais une joggeuse landa.
Ou encore sur ma piste de Corbie où tu participais aussi à la compétition du 10 000 et que tu m’informais de mes temps.
J’en suis encore « baba » !
Annie H