PORTRAIT – Adèle Gay, pas à pas vers les sommets

Fraîchement débarquée à l’Amiens UC Athlétisme, Adèle Gay fait partie des espoirs de l’athlétisme français. Spécialisée dans le 800m et 1500m, la jeune normande, qui est déjà quatre fois championne de France en catégorie junior et espoir, cherche à confirmer les attentes au plus haut niveau.

À tout juste 20 ans, Adèle Gay sait déjà ce qu’une carrière de sportive de haut niveau implique. Alors qu’elle jongle entre stages de préparation, compétitions, études en sciences sociales et la pression du résultat, la native de Val-de-Reuil semble s’épanouir dans cet emploi du temps bien chargé. Mais avant de parler de ses objectifs futurs et ses souvenirs de compétitions, revenons un peu sur son arrivée à l’Amiens UC Athlétisme, mais aussi sur ses débuts dans l’athlétisme, dans sa ville natale.

Un départ peut en cacher un autre

La native de Val-de-Reuil aura passé une décennie au sein du club de sa ville. Dans les catégories minimes et cadettes, la Rolivaloise ne semblait pas s’orienter vers le demi-fond. De fait, elle pratiquait plutôt le saut en hauteur, le 200 m haies et le 1000 m. Mais la pratique du cross, où la victoire lui tendait souvent les bras, voyait naître un attrait pour les distances plus longues. Elle revient sur cette découverte et ce coup de foudre : « Je me plaisais beaucoup dans le demi-fond. Un jour, j’ai essayé le 800 mètres, ça m’a beaucoup plu. » En compagnie de son entraîneur de l’époque, Jean-Claude Hurel, elle poursuivait ses entraînements et voyait d’ores et déjà une progression notable. Malheureusement pour la Normande, le technicien quittait le club, laissant la jeune athlète sans conseiller, mais en lui glissant un mot au sujet d’un certain Pascal Machat, à l’Amiens Université Club. Ni une ni deux, et alors que l’année de terminale avait commencé, elle partait en direction de la métropole amiénoise en sport-études. Depuis maintenant trois ans, elle s’entraîne donc dans la petite Venise du Nord, avant d’évoluer officiellement sous les couleurs de l’AUC cette saison.

Tombée sous le charme du demi-fond, Adèle Gay trouvait sa nouvelle voie

Sous cette nouvelle tutelle, Adèle avoue avoir « énormément progressé sur le 800 mètres. Et un jour, j’ai voulu essayer de passer sur le 1500 mètres, notamment ma dernière année junior, parce qu’il y avait les championnats d’Europe. Je voulais absolument faire les minima. » Elle s’acharnait alors à les valider sur la plus courte des deux distances, mais rien n’y faisait. En revanche, sur le 1500 m, elle y parvenait « assez facilement ». Confrontée à cet écart de performance, elle ne cache pas s’être remise en question pour savoir ce qu’elle voulait faire exactement. Après réflexion, elle se tournait alors vers le 1500, délaissant un peu, mais pas trop, le 800. « Je fais un peu des deux. Je vais un peu là où j’ai envie. Mes plus gros objectifs, je les ai fixés sur le 1500 mètres. »

Au sein de l’AUC, elle connaissait déjà son entraîneur et surtout son groupe d’entraînement, la PM Elite Team. Cela fait trois ans qu’elle s’entraîne en compagnie de membres tels que Clément Touati, Maëlle Balaine ou encore Yanis Vanlanduyt. « Quand j’étais au lycée, on était à l’internat ensemble, notre groupe est comme une famille. » Elle attend avec impatience les interclubs de ce week-end, le 17 mai, pour continuer son intégration au sein de la structure amiénoise, dont elle fait partie depuis « peut-être six mois », car elle considère que c’est durant ce type d’événements que les liens se renforcent entre les athlètes.

Le sport certes, mais gare à ne pas négliger les études

Pour préparer une saison, de nombreux stages ont lieu, comme celui de Font-Romeu, en haute altitude. Mais entre ces périodes de préparation, synonyme de départ pendant plusieurs semaines, et les différentes compétitions aux quatre coins de la France, voire en Europe ou dans le monde, réussir à suivre un cursus scolaire est bien compliqué ! La jeune française est consciente qu’une carrière de haut niveau n’est pas gage de prospérité financière ad vitam aeternam. Adèle Gay poursuit donc, en parallèle de son projet sportif, une licence en sciences sociales. Et malgré le fait que les études ne soient, actuellement, pas sa priorité, elle préfère assurer son avenir et également couper la routine sportive : « C’est avoir un plan B. On ne sait jamais ce qui peut arriver, que ce soit une blessure ou même une perte de motivation. Ça me permet d’avoir quelque chose à côté. Je pense qu’être 100 % dans le sport, je ne pourrais pas. J’ai besoin d’avoir quelque chose d’autre à côté, d’avoir des choses à faire de mes journées, d’apprendre de nouvelles choses. Pour moi, c’est un bon compromis de pouvoir faire mes études à côté. » Actuellement, un aménagement d’horaires et la mise en place de sa troisième année étalée sur deux ans lui permettent de réduire ses heures pour se focaliser sur les entraînements.

Bien que la semaine classique soit rythmée par les huit ou dix séances en plus des cours, la Rolivaloise essaie de sortir de cette routine. « J’essaie quand même de sortir quand je peux, mais toujours dans la nature. » De fait, elle l’avoue assez franchement, elle n’a pas la vie lambda d’une étudiante. Sans forcément parler de sacrifices, car « si j’ai décidé de le faire, c’est parce que j’ai envie, et je sais pourquoi je le fais. » Elle sait que ce rythme atypique apporte des moments et des occasions uniques : « C’est pour vivre les émotions qu’on a envie de vivre, tous les voyages qu’on fait. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’opportunités que j’ai eues avec l’athlé’ que je n’aurais pas forcément eues si je n’en faisais pas. »

Il faut se souvenir du bon et surtout du mauvais pour progresser selon Adèle Gay.

Parmi ces instants hors du temps, elle se remémore une course, si particulière, car elle franchissait la ligne d’arrivée en tête : « Je pense que le plus beau moment, ce serait ma première médaille aux championnats de France sur 800, il y a deux ans maintenant. Je l’ai vécu avec mon coach et avec mon père, qui était là aussi à ce moment-là. Je pense que c’était vraiment une des plus belles émotions, parce que ça reste une première médaille aux championnats de France, une médaille qu’on attend. Je pense que c’est vraiment quelque chose qu’on ne peut pas imaginer. » Hormis ce premier titre si particulier, un autre succès lui vient en tête, celui sur ses terres, à Val-de-Reuil : « Je pense que la deuxième, c’était l’année dernière sur 800, où j’ai fait un très gros chrono. Mon entraîneur m’a donné l’opportunité de courir avec de très grandes coureuses, et j’ai saisi cette opportunité. Ça m’a permis de faire mon record personnel sur 800. Ce sont des moments où on ne peut pas trop expliquer ce qu’il se passe. »

L’aspect mental de la course et réussir à se relever d’un échec

La nouvelle pensionnaire de l’AUC a certes progressé sur l’aspect technique de la course, mais également sur le côté mental de l’effort. À ses débuts, lorsqu’elle se retrouvait en compagnie de grandes coureuses, comme son idole Rénelle Lamotte, elle ne savait pas où se placer. Trop timide, admirative des autres, elle se faisait dépasser aisément et restait derrière. Désormais, suite au travail réalisé en compagnie de son préparateur mental Franck Blondeau, elle a su changer son appréhension et son attitude : « Maintenant c’est plus : moi aussi, je peux y arriver, moi aussi, je peux être devant elle. Et comme mon entraîneur dit souvent : les gens, ils ont deux bras, deux jambes, ils sont comme nous. »

Malgré les déceptions, Adèle Gay poursuit son rêve

Si les médailles font partie des moments glorieux du sport, il y a également les moments plus compliqués, où les performances ne sont pas présentes. Réussir à se relever d’un échec est un des défis communs à tous les sportifs. On peut penser au marcheur français Yohann Diniz, qui, après sa désillusion à Rio en 2016, décrochait le titre mondial en 2017 à Londres. Malgré la vingtaine à peine révolue, Adèle Gay se souvient des Championnats d’Europe sur piste, à Jérusalem, il y a maintenant deux ans : « J’ai totalement loupé ma course en finale. J’ai fini la dernière, parce que je pense que c’était un niveau où je n’avais jamais été, où on représente quand même un pays. Je suis totalement passée à côté de ma course. » L’année dernière, alors qu’elle partait favorite aux championnats de France, elle finissait au pied du podium. Une autre désillusion, qu’elle avait bien du mal à digérer, de par son statut et le sentiment de décevoir tout le monde. Même cette année, à l’occasion des championnats de France Elite, elle pensait obtenir un nouveau record de France espoir accompagné d’une médaille d’argent, à l’issue de ce qui était la plus belle course de sa vie. Euphorique et sur un nuage pendant 15 minutes, elle était violemment ramenée à la réalité. Elle était disqualifiée pour un franchissement de ligne lui octroyant un avantage matériel. De plus, elle se blessait juste après, ne facilitant en aucun cas la digestion de ce faux espoir. Mais la jeune normande pouvait compter sur le soutien inconditionnel de ses amis proches et de nombreux messages de soutien, lui permettant de relativiser la déception. Son expérience lui permet de tirer un constat assez limpide sur la situation : « C’est vrai que le sport est fait avec beaucoup d’échecs, et quand même un peu moins de réussite, je pense (rires). Mais les réussites sont bien plus belles que les échecs. Et ces derniers nous permettent d’apprendre et de ne pas refaire les mêmes erreurs. »

Objectif Los Angeles 2028

Absente en tant qu’athlète lors des Jeux de Paris l’été dernier, elle portait tout de même la flamme lors du passage à Val-de-Reuil. Une expérience exceptionnelle pour la coureuse de demi-fond, qui voyait l’engouement et le côté fédérateur du sport. Face à ces scènes de liesse, « forcément, on rêve d’y être, en 2028 [à Los Angeles]. » Si elle espère être de la partie dans trois ans, elle devra performer aux Championnats d’Europe en Norvège et réussir à augmenter son nombre de sélections chez les seniors. Mais nul doute que grâce au soutien de son coach avec qui elle entretient une relation fusionnelle, son kinésithérapeute Alexandre Fougereux, les lièvres de son groupe d’entraînement qui la poussent dans ses retranchements, sa famille toujours présente en compétition et l’aide financière de la ville d’Amiens, du département, de la région et de Kiprun, Adèle Gay a tous les éléments pour réussir à vivre ce rêve, et on ne peut que lui souhaiter.

Cyprien Baude
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr

Leave a Comment

Your email address will not be published.

Start typing and press Enter to search