Erika Sauzeau : « Si je performe, l’âge n’est pas un soucis »
La Montdidérienne a accepté de se livrer pour nous sur sa carrière, ses objectifs futurs et son double projet sportif avec l’aviron et le triathlon. Entretien avec une médaillée des Jeux de Tokyo en 2021.
Médaillée de bronze en quatre barré mixte d’aviron à Tokyo en 2021, Erika Sauzeau était remplaçante pour les Jeux de Paris. Malgré cela, elle compte bien continuer dans le sport, et pourquoi pas jusqu’en 2028 ? Elle qui s’est mise il y a peu au triathlon nous raconte pourquoi ce choix : « Par hasard, un peu comme l’aviron quand j’ai commencé. J’ai reçu un mail du comité régional handisport me proposant de découvrir le para triathlon lors d’un stage organisé par la ligue de triathlon des Hauts-de-France. Je me suis dit pourquoi pas, je nageais, je faisais du vélo depuis quelques années. Le seul problème c’est que je ne courrais pas« . Suite à plusieurs discussions avec son prothésiste, elle a maintenant une prothèse qui lui permet de courir, chose qu’elle ne pouvait pas faire et qu’elle n’avait pas faite « depuis 14 ans ».
La course pour mettre le pied à l’étrier !
Elle a donc pu recourir lors de la Jules Verne, qui s’est tenue à Amiens le 23 juin 2024 : « J’associe toujours un évènement important de ma vie à une date symbolique. Et du coup, la première fois où j’ai recouru, c’est le jour de la fête des mères. J’ai couru 10 minutes, mais j’ai couru« . Elle continue en nous expliquant que le format de course ainsi que le contact avec la nature sont aussi des raisons qui l’ont fait aimer le triathlon. Enfin, l’ambiance ainsi que la bienveillance entre les pratiquants de ce sport la conforte dans son choix. Elle a d’ailleurs été sélectionnée pour participer à une détection de l’Équipe de France de para triathlon, qui aura lieu entre le 29 novembre et le 1 décembre.
Durant ce stage de découverte du para triathlon, elle a pu revenir « dans le vrai monde », après avoir côtoyé le haut niveau et son exigence. Cela lui a « fait un bien fou » et ça lui a permis de revenir à l’essentiel. L’athlète a confirmé l’essai en prenant une licence au SC Abbeville Natation Triathlon, puis en prenant le départ des championnats de France de para triathlon qui se tenaient à Saint-Jean-de-Monts à la mi-septembre. Sur un format de course qui lui plait moins, (le triathlon s’est transformé en duathlon, ndlr) la course à pied à pris l’ascendant sur la nage du fait de mauvaises conditions météorologiques, la Samarienne est parvenue à accrocher son premier podium sur la discipline.
Toujours engagée dans ce double projet aviron-triathlon, Erika Sauzeau se laisse un an pour voir si son niveau sera suffisant pour être compétitive. Elle est d’ailleurs toujours à la recherche de partenaires afin de l’aider dans son projet sportif. Consciente de l’engagement dont elle devra faire preuve, elle sait qu’elle a une marge de progression et compte bien tout mettre en œuvre pour réussir à atteindre son objectif. Et pour réussir dans son objectif, Erika peut compter sur sa famille : « Ils sont tous très contents, même le chien !, nous dit-elle en rigolant avant de continuer, ils m’ont dit qu’ils étaient fiers de moi parce que j’ai réussi à courir et que ça reste une souffrance ».
Souffrance. Ce mot fait partie de la vie d’Erika. Souffrance physique, bien sûr, mais surtout morale, elle qui nous a confié l’enfer que peuvent lui faire vivre les douleurs neuropathiques. Des sensations aussi intenses que « des coups de poignards » comme elle le dit elle-même, face auxquelles elle ne peut rien faire, si ce n’est anticiper une crise en prenant des médicaments. Ces derniers ne devant pas être proscrits sur la liste des produits interdits pour la pratique du sport de très haut niveau. Lors des compétitions, ce sont des douleurs physiques qui prennent le dessus, et elle doit donc adapter sa course : « Comme il y a de l’impact, je dois amortir le choc en posant d’abord le talon, si je cours comme un runner rapide (plus en appui avec la pointe du pied) je finis par terre. Une fois que la décharge est faite, je peux dérouler le pied. Et du coup je dois faire pareil pour la jambe droite, même si le mouvement est plus rapide ».
Elle nous explique clairement que son objectif sont les JO 2028 : « Il y avait un athlète de 50 ans aux Jeux Paralympiques (de Paris 2024), je me dis que si je performe, l’âge n’est pas un problème. Il faut juste adapter la récupération. » Cependant, l’avenir est déjà tout tracé pour elle, qui a entamé une formation de coach sportive : « Même si je ne vais pas arrêter ma carrière tout de suite, il faut que je pense à ma reconversion. J’aimerais pouvoir apporter aux gens une expertise du haut niveau mais surtout la prise en charge des personnes en situation de handicap, parce qu’aujourd’hui c’est quelque chose qui n’est pas assez développé. »
Voilà donc les futurs objectifs paralympiques d’Erika Sauzeau, rameuse médaillée de bronze en 2021, qui brillera peut-être en triathlon ou en aviron à Los Angeles. C’est toujours avec une grande motivation et une sacrée force de caractère qu’Erika Sauzeau parviendra à valider ses objectifs futurs…
Interview par Léandre Leber et Maxence Rico
Rédigé par Maxence Rico
Crédit photo : Théo Bégler, Kevin Devigne, Louis Auvin – Gazettesports.fr / Fabrice Sauzeau – DR