PORTRAIT : Maële Traoré, déjà dans l’ère des grands

A seulement 15 ans, la pensionnaire de l’ASC Boxe est double championne de France. Portrait d’une athlète d’une grande maturité, qui vise les plus hauts sommets.

« La boxe, c’est une thérapie ». Depuis l’âge de ses quatre ans, Maële Traoré s’entraîne dans la capitale picarde. D’abord pour s’amuser, la jeune boxeuse y prend goût et ne lâchera plus ses gants. L’adolescente s’exerce deux à quatre fois par semaine. « C’est un rythme qui me convient. Mais j’ai besoin aussi d’un peu de temps pour moi et pour les études, pour que je puisse avoir du temps pour travailler », assure-t-elle.

En parallèle, l’étudiante est rentrée en seconde, dans une classe sportive, et se donne les moyens pour devenir éducatrice sportive plus tard, notamment dans la boxe. La lycéenne peut également compter sur le soutien de sa famille, et notamment de son père, Mahra. « Mon père a toujours été là à chaque assaut. Ma mère me suit aussi, mais c’est plus compliqué, elle ne peut pas toujours venir« , explique-t-elle.

Une relation fusionnelle, jusqu’à atteindre le graal

La jeune boxeuse peut également compter sur le soutien infaillible de son coach de toujours, Mohammed Oudji, qu’elle considère comme un « deuxième père » : « Il est toujours derrière moi. C’est lui qui m’a vraiment tout appris dans la boxe. Il a réussi à m’emmener loin. Déjà, championne de France, c’est incroyable. Je sais qu’il sera tout le temps derrière moi ». Son coach qui devrait prendre du recul dans les prochains mois. « Pour l’instant je n’y pense pas, je préfère rester sur le moment présent« , avoue-t-elle. Lors de l’entrainement, l’entraineur amiénois ne lâche pas sa protégée. Du sérieux qui l’a emmenée vers deux titres de championne de France. Les yeux embués, Mohammed Oudji affirme qu’il « ne la regarde jamais dans les yeux car il y a trop d’émotion ». Une complicité rare entre une athlète et son mentor.

Nous sommes en mai 2022. Depuis 22 ans, le club de l’ASC Boxe n’avait plus obtenu de titre national dans la catégorie minime. Maële Traoré a donc l’occasion de stopper ces longues années de disette. Mais avant, la boxeuse de 14 ans a dû gravir les échelons sur une dizaine d’assauts. Puis, « j’ai boxé. Et dès que j’ai vu ma main levée, j’étais vraiment contente ». Une consécration avec un premier titre de championne de France. « Au tout début, je n’arrivais pas vraiment à comprendre, c’était vraiment trop pour moi. Du coup, forcément, les larmes », se remémore-t-elle, le sourire aux lèvres.

Le tout sous les yeux de ses proches, et notamment de son père, fier : « Maële est humble. Elle a l’impression que les choses lui sont tombées comme ça. Mais simplement, c’est parce qu’elle a travaillé derrière. Il y a un vrai boulot. On dit toujours chez nous qu’on a rien sans rien. Elle s’est vraiment attachée à respecter cette ligne ».

Un an et onze assauts plus tard, la Picarde monte sur le ring, à Paris, pour décrocher un second titre hexagonal. D’abord sanctionnée par deux fois dû à sa boxe offensive, et proche d’une disqualification, l’adolescente parvient à remonter la pente dans le dernier round, jusqu’à atteindre le sommet. « Je me suis dit que je rejouais mon titre, ça m’a fait peur quand même. J’avoue que ça m’a mis un petit coup de pression. Mais finalement ça s’est bien passé. J’étais super contente, encore plus que la première fois ». A 15 ans, Maële Traoré confirme sa domination en devenant double championne de France, malgré une adversité plus élevée qu’auparavant. Une nouvelle victoire qui lui donne l’honneur d’être invitée par la Ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, le 21 juillet dernier, à l’INSEP. « J’étais très contente parce qu’elle a retenu mon prénom« , plaisante-t-elle, « j’ai reçu beaucoup d’encouragements de sa part. C’est quelqu’un qui sait de quoi elle parle ».

Désormais, l’Amiénoise monte d’une catégorie, en cadets, et vise un troisième titre de rang, où la finale devrait se disputer en Guadeloupe, ainsi qu’une participation aux championnats d’Europe. « C’est une grosse année, pour bien bosser », avoue-t-elle.

Un début de saison tronqué par un événement tragique

Le néo-cadette a repris l’entrainement début septembre, mais dans des conditions moindres. Le 29 juin dernier, la salle de boxe du quartier d’Etouvie, alors camp de base des athlètes amiénois, prend feu durant les émeutes. Le matériel, ainsi que l’histoire du club, sont réduits en cendres. « J’étais triste, forcément. Je suis quelqu’un de très sensible donc je peux pleurer pour tout et rien. Donc j’ai pleuré. mais j’avoue que sur le moment, je n’ai pas compris. Surtout qu’ici, dans le quartier, c’est un peu le QG », témoigne-t-elle, avec une pointe d’amertume. La lycéenne a notamment pu compter sur le soutien de nombreuses personnes. « Je ne m’attendais pas à avoir de messages d’autant de monde ».

Les boxeurs amiénois ont tenu tout de même à s’entrainer sur le parking de la salle, afin de surmonter ce déchirement. « On voulait montrer qu’on était toujours motivés, et que ce n’était pas ça qui allait tout gâcher sur le club ». Désormais, le club s’exerce dans le dojo d’Etouvie, collé à ce qui n’est à présent un terrain vague. L’ASC Boxe, grâce au soutien de la mairie d’Amiens, a reçu du nouveau matériel en cette fin du mois de septembre, et attend de trouver un nouveau lieu pour retrouver le standing qu’était le sien.

Une source d’inspiration

D’abord élève, la boxeuse de 15 ans souhait également transmettre son savoir et ses valeurs aux plus jeunes. A commencer par sa petite soeur, qui à 12 ans, a déjà décroché le titre régional dans sa catégorie à deux reprises. « Quand je la vois boxer, je vois qu’elle essaie de recopier. Du coup, je n’ai presque rien à lui dire. Elle se débrouille vraiment bien. En fait, elle prend déjà les jambes sur moi ». Une rivalité positive entre les deux soeurs, au fort caractère, qui les pousse encore plus haut, et pourquoi pas, l’été prochain, au sommet du Vieux Continent.

Romain Ales
Crédit photo : Théo Bégler – Gazette Sports

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