ARBITRAGE : La classification, élément incontournable de l’handisport
En handisport, le rôle du classificateur est primordial. Il permet de classer les différents athlètes pour qu’il y ait une équité sportive entre eux. Alors que les Jeux de Paris approchent, nous avons pu rencontrer Elodie Fontaine, classificatrice nationale en natation.
Avant de devenir classificatrice, Elodie Fontaine a fait deux licences STAPS, une en entraînement sportif natation et l’autre en APAS (Activité Physique Adaptée et Santé). Par la suite, la femme de 29 ans a eu des soucis aux ligaments croisés, ce qui a dû nécessiter une opération. Après cette dernière, elle a subi des infiltrations qui finiront par lui causer un handicap nommé “douleurs neuropathiques”. Suite à ce changement dans sa vie, elle a décidé de se tourner dans le handisport et plus précisément dans la natation, cette discipline étant son domaine de prédilection. Elodie Fontaine a notamment pu faire beaucoup de stages, dans lesquels elle suivait des nageurs handisport, ce qui lui a par la suite, permis de devenir classificatrice dans ce sport.
Classificatrice, une partie du handisport fondamentale
Elodie Fontaine est classificatrice nationale en natation, depuis l’année dernière. Pour parvenir à ce grade, elle a dû suivre une formation entièrement en anglais, basé sur le WPS (World Para Swimming). “C’est un processus hyper long, nous ne sommes donc que trois classificateurs en France”, déclare Elodie Fontaine. Ce long processus fait que de nombreux stagiaires souhaitant devenir classificateur abandonnent en cours de route. Il faut aussi savoir que leur rôle leur permet de “briser” un rêve sportif. Certaines personnes ne sont pas prêtes à assumer cette charge, l’annonce au sportif concerné peut donc être délicate à réaliser. De l’autre côté, lorsque la décision est annoncée à la personne en question, cette dernière peut parfois très mal réagir. “L’année dernière une personne a fait un scandale suite à notre décision. L’histoire est même remontée jusqu’au ministère”, raconte la classificatrice.
En natation, la classification se fait avec deux personnes par session, les classificateurs sont systématiquement des personnes valides. Il y a tout le temps “un technical” et “un medical”. Le medical évalue le potentiel physique de l’athlète au niveau musculaire, mais aussi au niveau de l’amplitude, de la taille des membres. Le technical observe lui l’impact de l’handicap sur le sportif, une fois dans l’eau. Elodie Fontaine, qui s’occupe de cette seconde partie de la classification, ajoute ou enlève des points selon ce que le nageur handisport réalise dans l’eau. Ensuite, les classificateurs ont la possibilité de s’orienter vers l’international. Ce sont ceux qui représentent la France dans le monde entier. Lors des évaluations des sportifs, il faut alors que le technical et le medical proviennent de deux pays et continents différents. Pour se former à l’international, les sessions de formation sont données dans le monde entier. “Il faut préparer une lettre de motivation et un CV en anglais. Ensuite, il y a une épreuve pour évaluer son niveau en anglais. Suite à ça, un entretien avec la référente à lieu en anglais”, nous explique la classificatrice qui aimerait basculer au niveau international.
Le déroulé d’une classification
Dans un premier temps, un dossier médical sur le sportif évalué est demandé. Cette étape permet de connaître les spécificités du nageur en question. Par la suite, des tests physiques sont réalisés avec le medical, en fonction du handicap. Dans la piscine, le technical prend alors le relais et un processus ne dépendant pas du handicap est mis en place. Des points sont attribués ou retirés, une note est aussi donnée, de 0 à 5. La note de 0 signifie que le sportif n’est pas membré et celle de 5 correspond à un athlète valide. Ensuite, en fonction du nombre de points que la personne perd, on lui attribue une “classe”. Lorsque la pratique dans l’eau est terminée, l’annonce des résultats de la classification est réalisée. Il y a aussi des “codes d’exception”, par exemple lorsqu’un nageur ne peut pas toucher à deux mains à cause d’un handicap, un code d’exception lui est donné pour qu’il ne soit pas pénalisé. “Ce procédé est primordial pour le bon déroulé des compétitions handisport”, explique Elodie Fontaine. Il y a trois sessions de classifications lors desquelles 15 sportifs sont observés lors de chacune d’entre-elles. Ces dernières durent en moyenne 2h, mais elles peuvent aussi s’étendre à une durée de 7h pour les sportifs. De leur côté, les classificateurs sont mobilisés pour une durée de trois jours, lors des différentes sessions.
Il peut arriver que certains sportifs essaient de tricher pour obtenir une meilleure classe. “Il faut être extrêmement vigilant, s’il est pris en train de tricher pendant la classification, le nageur n’aura pas de classe. Le cas du sportif en question peut même remonter jusqu’au ministère des Sports”, dévoile Elodie Fontaine. Il y a aussi un réel point noir concernant la classification : l’absence de soutien psychologique pour les sportifs qui voient leur potentiel rêve de Jeux olympiques s’envoler lors de ces évaluations. “Il n’y a aucun soutien moral après les classifications pour les athlètes”, regrette Elodie Fontaine.
La classification dans un autre handisport
En handibasket, la classification se fait avec un seul classificateur. Selon le handicap du sportif, elle peut aussi se faire seulement sur dossier, sans avoir besoin de voir un médecin, au contraire de la natation. Si le handicap est trop sévère, l’évaluation s’axe surtout sur l’attitude dans un fauteuil. Par exemple, si on peut se baisser vers l’avant pour récupérer le ballon ou effectuer d’autres mouvements dans un fauteuil.
Être classificateur est bel et bien un engagement passionnant et dur à la fois, dans lequel il ne faut pas avoir peur de prendre certaines décisions lourdes de conséquences pour les athlètes, qui peuvent parfois tout perdre…
François Faddi
Crédit photos : Kevin Devigne – Gazette Sports