MIXITÉ – Manuella Delignières : « À travers le sport on peut s’ouvrir une nouvelle vie »

Le sport peut-il aider les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles à se reconstruire ? C’est en tout cas la conviction de la directrice du CIDFF80, Manuella Delignières.

Le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles de la Somme (CIDFF80) a pour mission de favoriser l’accès au droit et de lutter contre les violences faites aux femmes. Cet été, l’association a mis en place l’action « TouteSports », qui a permis à une dizaine de femmes de bénéficier gratuitement de cours de yoga et de self défense pendant un mois. L’objectif de cette opération nationale est d’encourager et de développer la pratique sportive des femmes résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et dans les territoires ruraux.

La directrice du CIDFF80, Manuella Delignières souhaite « faire en sorte que les femmes puissent retrouver une activité sportive et du lien social à travers le sport » grâce à ce type d’initiatives. L’association accompagne gratuitement et en confidentialité des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans leur démarche pénale, mais également dans l’insertion professionnelle. La directrice du CIDFF80, déplore que « l’on parle beaucoup du dépôt de plainte mais peu de l’après ». Elle poursuit, en ajoutant que « pour les femmes victimes de violences c’est difficile, au-delà du parcours pénal qui est très long, de reprendre confiance envers l’autre, un homme et de refaire sa vie. Souvent quand elles ont des enfants, elles ne vivent que pour eux. L’idée c’est de montrer que pour que les enfants aillent bien, il faut que vous soyez bien aussi, pour cela il faut s’occuper de vous et vous avez la possibilité de le faire. »

Avoir une activité sportive régulière peut aider à reprendre confiance. L’association, qui a observé une hausse sensible des situations de violence cette année, souhaite montrer « qu’à travers le sport on peut s’ouvrir une nouvelle vie ». Pour cela, en collaboration avec les clubs, un effort est fourni pour faire découvrir différents sports à cette population de femmes. « TouteSports » a permis de mettre en avant un certain nombre de freins à la pratique sportive. Cela peut être « la peur d’y aller seule », « l’effet de groupe », ou bien « les représentations sur certaines disciplines » détaille Manuella Delignières. C’est pourquoi, en partenariat avec des clubs du département, l’association s’efforce de « proposer des séances découvertes pour montrer que le sport peut être adapté aux possibilités physiques de chacune, que l’on n’est pas dans l’esprit de compétition, mais plus dans du loisir ».

Le sport doit être au service du social, ça ne doit pas être uniquement du haut niveau

Boureima Traoré

C’est le cas de l’École internationale des arts martiaux et du Yoga (EIAM) qui propose chaque mois un cours de self défense adapté aux femmes. Lors de ces séances, l’entraîneur Boureima Traoré « leur montre comment avec son corps on peut dégager quelqu’un. On fait des exercices toniques et on travaille également les réflexes ». Pour lui, le self défense « peut aider à prendre confiance en soi, mais cela passe par des étapes ». En apprenant à « utiliser leur corps comme outils pour faire face à une agression » elles peuvent « reprendre confiance ». Pour toucher le public le plus large possible, Boureima Traoré essaye de faire les activités sous forme récréative, pour déconstruire l’idée que le sport est une activité « pénible ».

Boureima Traoré réalise une démonstration de Self Défense lors de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes le 25 novembre dernier.

D’autres activités, comme le Taïso que propose le comité de la Somme de judo, se veulent accessibles et bénéfiques pour des sportives débutantes. Pour Nicolas Cahier, éducateur sportif au comité de la Somme, le Taïso permet de faire « du renforcement musculaire, de l’étirement, de l’assouplissement, travailler la motricité et la coordination. On leur apprend à chuter, c’est aussi se rassurer. »

Au-delà des bienfaits physiques, le sport peut permettre de libérer plus facilement la parole. « Le sport doit être au service du social, ça ne doit pas être uniquement du haut niveau » affirme Boureima Traoré. L’action « TouteSports » est amenée à être reconduite dans le courant de l’année 2022.


Julien Benesteau

Crédit photos : Kevin Devigne – Gazette Sports

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