MIXITÉ : Le roller-hockey, une mixité de compromis

Entre le korfbal et ses équipes totalement mixtes et le football et le rugby où la mixité peine à émerger, certains sports l’acceptent sans particulièrement la favoriser par un cadre strict. C’est le cas du roller-hockey.

Pour saisir ce que représente la pratique en mixité dans le roller-hockey, rien de mieux que de regarder en arrière vers le contexte de son introduction. Car, oui, le roller-hockey n’est pas mixte par nature. Mais alors que celui-ci voulait s’ouvrir à une pratique par les filles et les femmes, se posait une question de taille : leur nombre. François Caron, président des Écureuils, souligne ainsi que quand on veut « se développer au niveau des féminines, avoir une équipe dédiée, c’est très compliqué. » C’est dans ce contexte que la Fédération a ainsi décidé d’offrir la possibilité aux féminines, à défaut d’être suffisamment nombreuses pour avoir une équipe, de participer aux compétitions masculines estimant que « ça ne pose aucun souci, il n’y a pas de contacts comme au hockey-sur glace, les chocs sont moindres, les risques de blessure sont moindres et ça permet aux filles d’atteindre un niveau intéressant. »

Un recrutement défaillant

Alors, comment expliquer que, des années plus tard, cette situation perdure ? La principale raison est que la situation numérique du roller-hockey au féminin n’a pas beaucoup évolué. Plusieurs raisons à cela. Déjà, parce que « là où ça pêche, c’est au niveau du recrutement, qui est très compliqué, tranche d’entrée François Caron, c’est le plus difficile, d’attirer les jeunes filles. » Mais le dirigeant égrène ensuite d’autres facteurs. D’une part, le roller-hockey « reste un sport jeune, dont le développement date du début des années 2000 » et est donc toujours en cours. D’autre part, comme dans tous les sports « les adolescents, à un moment, s’arrêtent. » Or, dans une population féminine déjà moindre, « c’est plus flagrant », et plus handicapant pour constituer ensuite des équipes dédiées.

À tous ces éléments limitants vient s’ajouter ce que François Caron décrit comme une inaction totale des instances pour favoriser le difficile recrutement de filles. Le président amiénois égratigne ainsi la Ligue Hauts-de-France « qui ne fait rien pour le développement du roller-hockey féminin. » Il regrette notamment que l’instance régionale ne prenne pas la peine d’organiser « des camps d’entraînement 100% féminin », qu’il considère, bien que rompant avec la mixité mise en place actuellement dans le roller-hockey, comme une solution à ce problème du recrutement.

Des plateaux servent à la détection pour les équipes de France. Et bien, là, la mixité n’existe plus !

François Caron

Mais, à travers un exemple bien précis, il montre aussi les limites encore mises à la mixité qui ne favorisent pas le développement d’une pratique féminine du roller-hockey : « Il faut savoir qu’on est actuellement dans les championnats de Ligue, il y a des sélections pour les jeunesses pour aller représenter notre région lors de plateaux contre d’autres régions et ces plateaux servent à la détection pour les équipes de France. Et bien, là, la mixité n’existe plus ! La Fédération a dit « on ne peut pas avoir de jeunes filles, parce qu’on a une équipe de France 100% féminines », il faudrait avoir une équipe 100% féminine qui représente notre région dans une tranche d’âge 2004-2006. Et c’est super compliqué. »

Aux Écureuils, des filles presque partout, en attendant l’équipe première

Alors, le volontarisme vient des clubs, comme les Écureuils. Parmi les environ 170 licenciés, François Caron estime à une quarantaine le nombre de féminines. Mais, reconnaît-il, ce chiffre est gonflé par « une grosse affluence dans l’apprentissage ». Ce qui n’empêche pas d’en compter dans toutes les catégories : « Nous pratiquons la mixité, dans toutes les catégories, que ce soit en jeunesse ou en senior. Les filles, selon le niveau, peuvent intégrer les équipes de Nationale, comme les jeunesses où ça ne pose aucun souci. »

Toutefois, pas de filles avec l’équipe première des Écureuils. Mais François Caron l’assure, « c’est un choix sportif, c’est une question de niveau » qui correspond à la réalité du moment au sein du club. Car si la Fédération ne favorise pas nécessairement le roller-hockey féminin, il permet tout à fait la mixité jusqu’au plus haut niveau national : « Même en Élite, il y a des filles qui intègrent une 3ème ligne, mais parce qu’elles ont un niveau qui est intéressant pour cela. » Et si ce n’est pas encore les cas chez les Amiénois, « on ne désespère pas, on espère que nos filles grimpent, acquièrent du niveau et puissent intégrer notre équipe première. »

Moins de mixité, plus d’équipes féminines ?

Pour autant, malgré cette volonté affichée, « je tiens aussi à avoir une équipe 100% féminine, clame François Caron, parce que c’est important pour le développement de notre sport dans la région et même au niveau national. » Car pour le dirigeant amiénois, c’est le sens de l’histoire de son sport dans lequel la mixité est venue compenser le manque de filles, et où le cheminement actuel va vers plus d’équipes féminines dédiées. La mixité, explique-t-il, se heurte en effet parfois à la logistique, compliquant un peu les choses : « Ça demande aussi une organisation particulière parce qu’il faut un vestiaire qui leur soit réservé. À La Veillère, ça ne pose aucun problème parce qu’on a 6 vestiaires, mais il y a des gymnases où il n’y en a que 2. Donc il y a d’abord les gars qui s’équipent, ensuite les filles, pour une cohésion d’équipe, c’est un peu compliqué. »

Et si tous les clubs ne peuvent pas encore se permettre d’en avoir une, François Caron explique la vitalité de l’équipe féminines des Écureuils : « On a la chance d’avoir la sélection d’athlètes, c’est-à-dire que des jeunes filles qui sont dans une équipe autre qu’Amiens ont la possibilité de venir jouer dans notre équipe féminine, dès 15 ans. C’est comme ça que notre équipe sera très rajeunie parce qu’on a plusieurs jeunes filles qui arrivent, une de Rouen, une de Valenciennes, une de Beauvais, parce que dans leur club, elles n’ont pas d’équipe féminine dans leur catégorie. »

Mais s’il défend le principe de cette équipe 100% féminine, François Caron admet que le juge de paix entre celle-ci et la mixité reste le « choix des jeunes filles » d’évoluer dans l’une ou l’autre de ces situations. Toutefois, exemple à l’appui, il estime qu’une pratique féminine dédiée peut se montrer attirante, montrant également que le volontarisme de son club se manifeste jusque dans le recrutement : « On met en place, un samedi par mois, pendant 2-3h, un entraînement 100% féminin, gratuit, ouvert à toutes. On a des jeunes filles qui viennent de Valenciennes, de Lille, pour ces entraînements 100% féminins. On voit qu’il y a une demande. »

La mixité s’est imposée

Alors, serait-on en chemin vers la fin de la mixité en roller-hockey ? Pas pour François Caron qui estime que « la mixité sera toujours là ». Mise en place pour faciliter l’accès des filles au roller-hockey et leur progression dans ce sport (« On progresse toujours au contact des meilleurs, donc plus elles auront de la compétition, mieux ce sera dans leur championnat. L’expérience qu’elles vont acquérir en senior masculin, elle vont le retranscrire en championnat féminin. »), et alors que certaines joueuses continuent à jouer avec les garçons, même après avoir intégré l’équipe 100% féminine, il semblerait donc que la mixité soit entrée dans les mœurs.


Morgan Chaumier

Crédit photo : DR

Leave a Comment

Your email address will not be published.

Start typing and press Enter to search