HANDISPORT : Erika Sauzeau, une rameuse Amiénoise qui vise Tokyo

À l’occasion de notre semaine sur le Handisport, nous avons pu échanger avec Erika Sauzeau, rameuse au Sport Nautique d’Amiens afin de connaître son parcours, ses objectifs et son regard sur le sport handicap.

Bonjour Erika, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je m’appelle Erika Sauzeau, j’ai 38 ans et je suis la mère de jumeaux de 13 ans. Je suis arrivé dans le handisport à la suite de 2 accidents : le premier il y a 20 ans, où je me suis faite renverser par un bus, entraînant de ce fait plusieurs opérations du genou. J’ai par la suite eu un accident de travail fin 2013, où ma jambe n’a pas supporté un second choc. En mars 2014, j’ai donc obtenu une reconnaissance de travailleur handicapé et je me suis dirigée dans le handisport par le biais de mon travail. J’étais éducatrice et je travaillais sur la thématique du handisport ce qui m’a permis d’aller à la rencontre du club handisport d’Amiens Métropole. Ils m’ont recruté au passage.

Ils faisaient à l’époque une sensibilisation au basket, je me suis mise dans le fauteuil et ça a tout de suite matché. J’ai signé au club d’Amiens Métropole en handibasket où je suis restée 3 ans. En mai 2019, le comité paralympique et sportif français (le CPSF) organisait des tests pour la relève. L’objectif était de détecter des profils pour les accompagner sur le haut niveau, en particulier les Jeux de Paris 2024.

Il faisait plusieurs dates, je suis allée sur celles de Paris, j’ai passé plusieurs tests avec 15 ateliers différents. J’ai été détectée par plusieurs fédérations dont le handibasket, le tennis fauteuil, et l’aviron entre autres. J’ai donné suite au tennis fauteuil. J’ai été recrutée par un club de Normandie, j’ai fait 3-4 mois, ça se passait très bien mais j’avais un objectif de haut niveau. Le directeur sportif du comité paralympique qui m’avait suivie lors des tests me propose alors d’essayer l’aviron. Le bateau était qualifié pour Tokyo mais une des athlètes s’était désengagée, il y avait une place à prendre. J’ai donc essayé, en novembre 2019, avec un des entraîneurs de l’Équipe de France qui était au SNA. Ça a très bien fonctionné, j’ai donc poursuivi avec l’aviron.

Comment se fait justement la transition entre le sport loisir et le sport de haut niveau ? Cela se fait naturellement ? Ou vous aviez déjà en tête de faire de la performance ?

L’objectif c’est vraiment la performance. J’étais, avant mes accidents, une très grande sportive, ça a toujours occupé une part importante de mon quotidien même si je n’en faisais qu’en loisir. Maintenant, en étant valide, ça n’a jamais été un objectif de faire du haut niveau. Lorsqu’on est côté handisport on se rend compte qu’il y a des possibilités et quand vous offre les possibilités, les infrastructures et un accompagnement performant, vous pouvez, avec du travail et de la détermination, arriver sur le haut niveau.

J’étais, avant mes accidents, une très grande sportive, ça a toujours occupé une part importante de mon quotidien

Quels sont vos objectifs à court et long terme ?

À court terme, je repars demain [jeudi 1er avril, ndlr] en stage équipe de France. On a les championnats d’Europe en Italie du 9 au 11 avril, donc les objectifs seront d’y performer. Ensuite gagner, bien sûr, ma qualification pour les Jeux de Tokyo. Mais le contexte est difficile. Quant aux compétitions internationales, c’est la FISA qui décide, avec le pays d’accueil, de maintenir ou pas les compétitions. L’Italie a maintenu les compétitions du mois d’avril, cependant celles du mois de mai sont annulées. Quant aux Jeux, ils seront forcément particuliers car sans public étranger.

Le handisport souffre-t-il selon vous d’un manque de médiatisation ? Est-ce que l’on peut agir à ce niveau-là ?

On ne peut que l’améliorer oui. Il y a effectivement très peu de médiatisation sur le parasport même si ça commence à s’ouvrir. On constate un peu plus d’heures de passage, de diffusion. Mais il faut vraiment que cela soit beaucoup plus médiatique et que chacun puisse voir que, les Jeux Olympiques c’est bien, mais qu’il y a les Jeux Paralympiques juste derrière. Si l’on pouvait avoir le même engouement que celui des JO ce serait génial.

Pensez-vous que les Jeux de 2024 qui sont organisés à Paris pourront contribuer à cette dynamique positive ?

Oui, bien sûr, le comité paralympique (CPSF) commence déjà à mener des actions, c’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il a organisé les tests de la relève. Le comité olympique, lui aussi, fait pas mal d’actions en ce sens, c’est vraiment important dans le cadre d’un tel évènement comme Paris 2024. Je pense qu’on aura beaucoup plus de communication sur le parasport que ce qu’on a pu avoir jusqu’à présent. Le handisport, c’est une priorité comme d’autres sujets, la mixité par exemple, dans l’héritage des Jeux.

Au niveau plus local, au niveau de la politique sportive, des fédérations est-ce que vous trouvez que l’accès à la pratique est suffisant ? On sait qu’Amiens est une ville qui a à cœur de promouvoir le handisport, est-ce que vous le voyez au quotidien ? Est-ce que vous pensez qu’on peut améliorer les choses ?

Alors, oui, il y a une réelle volonté de développer le handisport dans le département et à Amiens notamment. Des lieux sont rendus accessibles, en tout cas c’est en train de se faire, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’à présent. Après je dois dire qu’au SNA, le club n’est pas adapté pour pouvoir accueillir des personnes en fauteuil roulant, on le déplore. On a interpelé Guillaume Duflot à ce sujet pour qu’il puisse justement y avoir une étude avec les bâtiments de France sur le fait d’y aménager une nacelle. Ou en tout cas un point d’accès sur le ponton, afin que les fauteuils roulants puissent y avoir accès et permettre d’embarquer. C’est en discussion. Il faut avancer sur l’ensemble du département sur cette question. Mais ils en sont conscients, c’est vraiment très bien.

Il y a une réelle volonté de développer le handisport dans le département et à Amiens notamment

Pensez-vous, en tant que sportif de haut niveau, être considérée de la même manière qu’une sportive valide ? Par les fédérations, les clubs ou même le public ?

C’est une grande question. Au niveau de la fédération on n’est jamais mélangés en stage, il y a le coté valide et le coté handi. On a des gens dans l’équipe qui sont en fauteuils, donc qu’on aille en stage en France ou à l’étranger il faut forcement que nos sites soient accessibles, ce qui n’est pas facile. Maintenant, il y a des différences, il faut être honnêtes. Notamment au niveau financement, le secteur valide a beaucoup plus de moyens que le secteur para. C’est une réalité bien présente aujourd’hui, même si ça commence à se gommer. Sinon, au niveau du club d’Amiens, j’ai été très bien accueillie, les bras ouverts, par l’ensemble du staff, par l’entraîneur qui a été à 100% sur le projet et mon handicap n’a jamais été un frein. Pour les jeunes et même les seniors qui pratiquent en loisir, ça a permis finalement une découverte du handicap. Même si ma pathologie n’est pas aussi handicapante qu’une personne qui se déplace en fauteuil, soyons clairs, ils ont découvert effectivement qu’une personne en situation de handicap pouvait faire du haut niveau, chose qui pour eux, je pense, n’étais pas quelque chose d’évident, de visible dans leur quotidien. En tout cas, ça c’est très bien passé à ce niveau-là.

Pour finir, quel conseil vous pourriez donner à une personne touchée récemment par le handicap notamment un jeune, pour se lancer dans la pratique sportive ? Vous étiez sportive avant donc vous aviez quand même cette démarche mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.

Qu’on soit sportif ou non sportif avant, quand vous êtes victime d’un accident de la vie ou d’une maladie, il faut réussir à gérer les douleurs du quotidien et à accepter son handicap. C’est la première chose. Il faut se rendre compte que finalement la vie offre encore de belle chose et il y a plein d’activités que l’on peut faire pourvu que ce soit adapté. On organise différemment nos sorties, à savoir où est-ce qu’on va pouvoir stationner, est-ce que c’est praticable en fauteuil, etc. mais c’est surtout ne pas avoir peur d’aller pousser la porte d’un club même s’il n’accueille pas de handisport. Ça permet de se tester, d’aller découvrir des sports, de voir ce qui peut leur correspondre. Puis il faut contacter le comité départemental handisport qui, lui, pourra orienter vers certaines disciplines Finalement, on est comme des enfants, on redécouvre la façon de pratiquer donc on va essayer plein de sport. En tout cas, je ne regrette absolument d’avoir fait le choix de l’aviron.

Propose recueillis par Timothée Hallet, Hugo Degl’innocenti et Leandre Leber

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