SPORT SANTÉ : Entretien avec Bertrand Caron, médecin du sport

A l’occasion de notre numéro sur le thème du Sport-Santé, nous avons rencontré Bertrand Caron, médecin du sport et référent du comité régional olympique et sportif Hauts de France (CROS) afin d’obtenir le témoignage d’un professionnel de santé sur la question.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Bertrand Caron, je suis médecin généraliste et spécialiste en médecine du sport. Je m’occupe de plusieurs groupes de sportifs de haut niveau, dont le football américain, le pôle de natation ou encore le pôle de judo. Je suis également médecin référent du CROS des Hauts-de-France ce qui m’a amené à travailler sur les problématiques sport-santé depuis une dizaine d’années.

Pourquoi consulter un médecin du sport avant de pratiquer une activité physique ?

Cela dépend de ce que vous entendez par activité physique. Si c’est une activité physique dans le cadre du sport santé ou si c’est une activité physique « simple ». Le premier interlocuteur doit tout de même rester le médecin traitant pour tout ce qui va concerner l’orientation des patients vers la pratique et pas forcément le médecin du sport. Le médecin de proximité est le plus à même pour envoyer les personnes vers une activité physique car c’est un travail du quotidien. L’objectif c’est avant tout de convaincre les personnes, de montrer l’intérêt de pratiquer, de sortir de la sédentarité. Il faut comprendre qu’il y a des étapes successives, et faire attention de ne pas griller ces étapes justement. Il faut être vigilant pour ne pas faire fuir les gens. Si c’est pour donner des indications dans le cadre du sport-santé effectivement les médecins du sport sont plus à même à donner des orientations sur les pratiques à éviter. Les kinés savent aussi le faire par exemple mais il ne faut pas réduire le champs uniquement aux médecins du sport pour donner ces orientations, au risque de limiter la prescription. Je pense que c’est surtout le médecin traitant qu’il faut solliciter pour l’indication et là le travail de sensibilisation est important

L’objectif c’est avant tout de convaincre les personnes, de montrer l’intérêt de pratiquer, de sortir de la sédentarité.

La notion de sport sur ordonnance est de plus en plus en développement, que pensez-vous de cela ?

Le sport sur ordonnance, c’est très très compliqué. C’est un terme générique qui englobe pas mal de chose et qui ne veut pas dire grand-chose finalement. C’est un terme qui a été utilisé à la base à Strasbourg suite à la mise en place d’un dispositif qui leur a permis à un moment donné de prendre en charge une partie de l’activité physique. Ce terme fausse tout puisque les gens pensent maintenant que le sport sur ordonnance ça va leur donner une prescription qui va donner lieu à un remboursement. Or, ce n’est pas le cas. Après le terme peut être intéressant pour médicaliser un petit peu l’indication médicale, l’incitation thérapeutique à l’activité physique. Il est nécessaire d’insister sur l’activité à but thérapeutique pour la santé, et donner les indications sur les préventions primaires, secondaires et tertiaires qui sont, elles, là pour les bénéfices santé.

Et justement, comme vous êtes médecin du sport, est-ce que vous prescriviez du sport sur ordonnance ?

Moi dans ma pratique quotidienne j’essaye de le faire, sachant que c’est un effort très difficile. Parfois je reçois des personnes porteuses de pathologies lourdes, qui n’ont pas fait de sport depuis des années, il faut les convaincre d’un intérêt pour leur santé, d’un bénéfice santé qui équivaut à une prise de médicament. Leur faire comprendre qu’il est préférable de faire du sport que de prendre des médicaments supplémentaires. Une autre difficulté c’est de savoir où les orienter et à qui les adresser. C’est la raison pour laquelle on travaille au CROS des Hauts-de-France sur des réseaux situés après l’orientation. Il y a des réseaux sport santé qui se construisent déjà avec des acteurs du sport, des éducateurs sportifs ou des fédérations mais qui par contre ne sont pas forcément connu par les médecins. Il y a un trou entre la sortie du cabinet médicale et l’entré ensuite dans les associations ou dans les clubs qui font du sport santé. Eux sont en attente et les médecins sont en méconnaissance de ce qui s’y fait. Il y a un gros travail à faire de mise en relation entre le médecin prescripteur et l’association sportive ou l’éducateur sportif qui va accueillir les gens dans ces dispositifs sport santé.

Il y a vraiment deux mondes qui se côtoient sans se connaître.

Donc il y a vraiment un gros problème à ce niveau-là ?

Oui, en fait il y a vraiment deux mondes qui se côtoient sans se connaître. Il faut créer un lien entre ces deux mondes. Je pense que tout est prêt au niveau du sport, c’est ce que je vois quotidiennement dans mon travail. Par contre ce qui manque c’est la connaissance des médecins sur les réseaux sport-santé. Ils sont convaincus de l’intérêt du sport, notamment parce qu’il y a des études scientifiques qui sortent. Par contre ce qu’a besoin un médecin traitant c’est de savoir simplement à qui adresser ces patients de façon sécurisée. Tant qu’il ne connaît pas et qu’il n’est pas sûr de la sécurité du réseau qui va accueillir son patient et bien il ne va pas l’orienter. Il ne prescrit pas des médicament qu’il ne connaît, c’est pareil pour les réseaux sport santé. Donc c’est surtout à ce niveau-là et dans la région Hauts-de-France particulièrement, qu’il y a une méconnaissance des médecins du des réseaux sport santé sécurisé.

Le sport sur ordonnance doit-il être de plus en plus prescrit ?

Bien sûr qu’il doit l’être parce qu’il ne l’est pas suffisamment. Des études scientifiques nous montrent bien sûr le bénéfice de tout ça, mais c’est certain qu’il ne l’est pas assez. Il y a des difficultés effectivement qui sont celles des de la proximité des clubs, des horaires etc. Mais je pense qu’il n’est surtout pas suffisamment prescrit par méconnaissances du système.

Enfin, pour vous est-ce qu’il y a un lien entre sport sur ordonnance et sport santé ?

Oui il y a un lien mais c’est surtout un mésusage du terme puisque le sport santé va plutôt impliquer les préventions primaires, secondaires et tertiaires. Quand on n’est pas malade et qu’on fait du sport santé on est en prévention primaire, par contre quand on est malade on est en prévention secondaire et tertiaire. Théoriquement normalement les ARS et les textes de lois concerne plutôt le sport en prévention secondaire et tertiaire et c’est ce qui est appelé le sport sur ordonnance. Le terme sport sur ordonnance qui peut éventuellement concerner plutôt les patients en affection longue durée (ALD). On pourrait considérer pour ce schéma éventuellement, sous certaines conditions, à des remboursements et à des prises en charge par les mutuelles. Ça serait plutôt les personnes qui sont porteurs de pathologie lourde pour lesquels il y a une indication évidente thérapeutique, l’activité physique. Concernant la prévention primaire, elle ne sera jamais prise en charge ni par les mutuelles, ni par les caisses primaires d’assurance maladie.

Propos recueillis par Dorian Martin-Maisse et Quentin Ducrocq

Crédit photo : Bertrand Caron

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