PORTRAIT – Victor Lobry : Une vie, deux familles, des ambitions !
Arrivé dans la capitale samarienne l’hiver dernier, le milieu de terrain de l’Amiens SC a trouvé ce qu’il cherchait depuis quelques mois : un équilibre entre vie de footballeur et vie de famille. Il n’en reste pas moins ambitieux et confie avoir de nombreux défis à relever dans son nouveau club.
Cinq mois après son arrivée à Amiens, Victor Lobry s’est déjà fait un nom et jouit d’une certaine popularité auprès des supporters de l’ASC. D’abord parce que sa sympathie apparente n’est pas qu’une façade, ensuite parce qu’il est un bon joueur de football qui a rapidement su s’intégrer dans le collectif d’Omar Daf : « Ça a été plus vite que prévu. J’ai été surpris de l’accueil que j’ai eu. Ça faisait un moment que je voulais me rapprocher un petit peu de la région (Victor Lobry est né à Soisson, dans l’Aisne, en Picardie, ndlr). Dès qu’on m’a dit qu’il y avait une fenêtre ouverte, j’ai sauté au travers. Depuis que je suis arrivé, c’est top », affirme le principal intéressé. Car après avoir écumé les quatre coins de la France, le Soissonnais de naissance voulait revenir dans sa région natale pour se rapprocher de sa famille et notamment de ses parents qui y habitent toujours. Il avoue pourtant qu’il ne connaissait pas la ville d’Amiens avant de débarquer au mois de janvier malgré le fait que son père y a travaillé et que certains de ses amis y ont fait leur études : « Je n’étais jamais venu mais j’en avais toujours eu l’image d’une ville dynamique où les gens aiment le sport. »

Amiens, une destination logique
Venir jouer dans la capitale samarienne était une évidence pour le milieu de terrain qui fêtera ses 30 ans le 16 juin prochain. Il peut apporter tout son métier dans un effectif amiénois particulièrement jeune. Un nouveau rôle de guide qu’il est prêt à assumer quand bien même il juge cette inexpérience nécessaire dans un groupe : « La jeunesse, c’est aussi une force. Il y a forcément de la fraîcheur, de l’envie, un peu d’insouciance. C’est ce qu’on a envie de voir dans un match de foot. On n’a pas envie que tout soit calculé, que tout soit comme du papier à musique. » Mais il n’est pas le seul à remplir ce rôle puisque l’ASC comporte de nombreux autres joueurs aguerris tels que Régis Gurtner (38 ans), Sébastien Corchia (34 ans) ou encore Thomas Monconduit (34 ans).

Victor Lobry entretient d’ailleurs une relation particulière avec ce dernier puisqu’il l’a connu à l’AS Saint-Etienne. Il lui a été de bon conseil lors de sa période sans club qui a précédé son arrivée à la Licorne : « Vers octobre-novembre, je lui ai envoyé un petit message pour savoir comment lui avait géré cette période-là. Il m’avait dit « Ecoute Victor, moi j’ai vécu ça comme ça, j’ai fait ça… » À Saint-Etienne, on s’entendait déjà bien, mais ça, ça a renforcé un peu la relation qu’on avait. » Il fut d’ailleurs l’un des premiers à apprendre l’arrivée à Amiens de son compère quelques jours plus tard : « Il m’appelle et dit « J’arrive demain » et là, on a rigolé. »
Six mois dans un flou professionnel
Avant de signer un contrat d’un an et demi avec l’Amiens SC, soit jusqu’en juin 2026, Victor Lobry a vécu une période sportivement difficile puisqu’il n’était plus sous contrat depuis le 1er juillet 2024 et son départ de Guingamp : « C’est dur, on prend une claque. Surtout que je sortais de saison pleine où j’avais été performant sur les six derniers mois à Guingamp. Je ne vais pas mentir, je ne m’y attendais pas du tout. Ce n’était pas du tout prévu dans le plan », se rappelle avec douleur le numéro 8 de l’ASC. Mais il a rapidement du se faire à l’idée et a su se remobiliser pour s’entretenir, s’entraîner afin d’être prêt à performer dès qu’il retrouverait un club. Et le pari est réussi puisqu’Omar Daf l’a titularisé dès sa deuxième apparition et il n’a plus quitté les onze de départ depuis, jouant au minimum 80 minutes.

Cette longue période a, en revanche, été bénéfique pour sa vie de famille : « Dans mes programmes d’entraînements, je voulais qu’à 13h, ce soit fini. Que j’ai l’après-midi pour profiter avec ma femme, ma fille, pour que je récupère mon fils à l’école. Des trucs que je n’avais pas le temps de faire. » Son seul regret de ce côté, c’est de ne pas avoir pu emmener son fils, sa femme et ses parents au stade, eux qui ne ratent aucun de ses matchs. Une frustration qui a disparu depuis cinq mois : « Quand je les vois en tribunes, quand je rentre sur le terrain, un petit coucou, et ça y est, on profite à fond. Il y a un peu deux vies de footballeur. Celle, entre guillemets, sans famille et celle avec famille. »
Pour être un bon footballeur, il faut être un homme épanoui.
Victor Lobry, joueur de l’Amiens SC
La famille, le moteur de Victor Lobry
La famille, c’est probablement la plus grande occupation de Victor Lobry en dehors de son métier. Car il avoue ne pas avoir de passe-temps autre que le football et celui de vivre des moments avec ses proches : « Je n’ai pas beaucoup d’amis, j’ai un cercle un peu restreint. Mais quand on se retrouve à une dizaine, avec les parents, les grands-parents, les tontons et tout, ce sont ces moments-là que j’aime, passer des moments tranquilles, sans trop de paillettes. » Venir jouer à l’Amiens SC permettait donc au milieu de terrain de satisfaire ses envies professionnelles et personnelles : « Le foot, c’est très important dans ma vie. Ma famille, c’est aussi très important. Il faut que j’arrive à combiner les deux. Pour être un bon footballeur, il faut être un homme épanoui. C’est pour ça qu’aujourd’hui, ça coche un peu toutes les cases. »

Et cet épanouissement passe avant tout par le plaisir d’être sur le terrain, chose qu’il prend de plus en plus au fur et à mesure des années. Car si être joueur de football professionnel est un métier, comme dans toute profession, le plaisir ou non de l’exercer influe grandement sur la performance, de l’ordre de 70 à 80% selon Victor Lobry. L’équilibre de cet alliage travail/famille est parfois difficile à trouver et c’est l’une des raisons pour lesquelles le Picard n’avait pas trouvé crampon à son pied lors du dernier mercato estival. Il voulait jouer au football, mais pas à n’importe quel prix et pas n’importe où.
Des propositions de clubs espagnols, portugais ou suisse, ce n’est pas ce qu’il lui manquait, mais il ne voulait pas faire subir un changement de vie trop important à sa femme et ses deux enfants. C’était la France ou rien : « J’ai un ami avec qui j’étais à Pau qui est parti vivre en Turquie. Il est arrivé là-bas avec sa valise, tout seul. Il n’y a pas de souci, si ça ne va pas, il revient. Moi, si ça ne va pas, il y aura la question de mon fils à l’école. Il y a des gens qui sont mariés, qui ont des enfants, qui partent tout seul et qui laissent la famille sur place. Moi, ce n’est pas ce que je voulais faire. Ça ne me ressemble pas. » Victor Lobry estime que tous les choix de carrière, toutes les trajectoires sont respectables et qu’à aucun moment il n’a fait d’erreur dans la sienne : « Certains doivent se dire, « lui, il est trop con d’être resté sans club pendant six mois alors qu’il avait des propositions. » Mais c’est un choix que j’ai fait à ce moment-là. Si c’était à refaire, je referais le même. »
C’est une fierté d’avoir fait mon chemin tout seul.
Victor Lobry, joueur de l’Amiens SC
Un passé tortueux, un futur indécis
Et cette idée d’accepter ses choix à 100 % est récente. Le joueur de l’Amiens SC n’a pas eu une trajectoire linéaire, ni un chemin tout tracé. Il a d’abord fait ses gammes à Reims, pendant dix ans, avant de débuter sa carrière à Limoges, en National 2. Il est ensuite passé par Tours, Avranches, Pau, Saint-Etienne et Guingamp avant d’enfin poser ses valises en Picardie. Il a longtemps eu le regret de ne pas avoir pu signer en professionnel avec Reims : « Pour moi, c’était la suite logique. J’étais capitaine de la réserve, on avait fait une finale de Gambardella, j’étais performant, je commençais à m’entraîner un peu avec les pros… » énumère t-il. Mais cette opportunité ne s’est pas offerte à lui et il a dû redémarrer de plus bas. Aujourd’hui, il est fier d’avoir gravi les échelons grâce à lui et à lui-seul : « Pour moi, j’avais perdu du temps et j’ai perdu du temps, c’est logique. Mais le temps est passé, et c’est une fierté d’avoir fait mon chemin tout seul. De passer de Limoges, en National 2, à un club comme Saint-Etienne, franchement, c’est fou. Quand je fais le point, je me dis que c’est beau. »

Mais ne croyez pas que le bientôt trentenaire va s’arrêter en si bon chemin. Il compte bien pousser le plus loin possible, si bien qu’il n’a encore aucune idée de ce qu’il fera après sa carrière : « J’ai juste envie de croquer dans tout ce qui va se présenter devant moi. J’ai déjà fait cinq ans en Ligue 2, je vais pousser le plus loin possible, mais j’aimerais bien jouer encore sept-huit ans à ce niveau-là. J’ai un physique qui est bon pour l’instant, je m’entretiens bien, j’essaye de ménager un peu mon mécanisme pour que ça dure longtemps. » Son expérience fait qu’il connaît à merveille son corps, ses capacités et la manière dont il peut apporter à son équipe malgré un coup de rein peut-être déjà un peu moins dévastateur qu’il y a quelques années. Mais qu’importe, comme il l’aime à le répéter, « le plaisir, c’est vraiment le plus important. Et j’en prends de plus en plus pour l’instant. »
Une ambition à Amiens
Durant les saisons qu’il lui reste à dévorer, Victor Lobry espère bien marquer à sa manière un club, et peut-être celui de l’ASC. Il a laissé de très bons souvenirs dans toutes les structures dans lesquelles il a évolué, en témoigne la récente reconnaissance de supporters guingampais : « Je n’ai fait que six mois à Guingamp. Quand ils sont venus ici, à la fin, les supporters m’applaudissaient tous. Mine de rien, je me dis que le job a été bien fait, je suis tranquille. C’est pour ça qu’on fait du sport aussi. » Mais jusque-là, il ne s’est jamais inscrit dans la durée, ne restant pas plus de deux saisons partout où il est passé. Et c’est peut-être à la Licorne qu’il vivra sa plus longue histoire d’amour pour réaliser quelque chose qu’il n’a jusque-là pas pu réaliser : « J’ai envie de m’inscrire un peu dans une durée, d’être un joueur de club et de vivre un truc collectif. Parce que j’ai monté toutes les divisions une à une, mais tout seul. Je n’ai jamais fait une montée collective, un parcours en coupe [de France]. Un truc qui fait que quand je retracerai ma carrière à la fin, je me dirai, « j’ai fait ça, c’est beau. » C’est ce que je suis venu chercher ici. »

C’est pour cette raison que le Soissonnais fait partie des rares joueurs de l’effectif 2024-2025 dont la présence la saison prochaine est quasiment garantie puisqu’il a signé 18 mois. Un vrai soulagement compte tenu de sa période précédente sans contrat : « J’ai pris, à mon goût, trop de risques en ne signant que six mois à Guingamp. Je n’avais jamais eu cette expérience-là, mais la vie nous apprend des choses sur le tas et ce n’est pas plus mal. Je suis content d’avoir encore un an. » Et qui sait si cette aventure collective n’attend pas Victor Lobry et ses coéquipiers dès la saison prochaine. En tout cas, de son côté, tous les ingrédients semblent réunis pour générer la recette du succès.
Interview : Simon Vasseur et Léandre Leber
Rédaction : Simon Vasseur
Crédit photo : Léandre Leber & Théo Bégler – Gazettesports.fr