CYCLISME : Louis Depil, quand le corps stoppe l’ascension
Si quelques uns ont la chance d’être un jour sous le feu des projecteurs, la plupart des jeunes sportifs voient leur rêve de devenir professionnel s’envoler pour diverses raisons, souvent pour cause de blessure. Louis Depil, jeune cycliste picard talentueux, en est un exemple.
En juillet, il disputera, le Tour de France, ou plutôt son Tour de France. Louis Depil partira seul durant deux semaines et sillonnera l’Hexagone en même temps que le peloton professionnel qui passera d’ailleurs à Amiens cette année. Originaire de l’Aisne, il a déménagé à Amiens il y a trois ans et travaille désormais dans l’établissement scolaire de la Sainte-Famille en tant que surveillant, mais aussi encadrant de la section sportive de cyclisme. Sportif dès son plus jeune âge, pratiquant le football et le tennis notamment, Louis Depil a finalement choisi le vélo à 11 ans : « J’en faisais avec mon père, mais purement loisir. Juste pour faire des sorties entre père et fils » précise-t-il. Mais le plaisir était tel que le Picard décidait de prendre une licence en club trois ans plus tard : « Ma famille est née dans le vélo. Mon oncle, mon parrain, mon grand-père, ma mère, toute la famille y est passée. Donc, je pense que je ne pouvais pas y échapper.«
Louis Depil prenait sa première licence en Cadet 2 dans le club d’Hirson présidé par son grand-père. Il a rapidement tapé dans l’œil de la team avesnois dans lequel il a traversé toutes les catégories d’âges chez les Juniors puis les Espoirs. « C’était l’une des meilleures équipes junior des Hauts-de-France, voire nationale, qui faisait partie du top 10 je pense, pour faire toutes les plus grosses courses », insiste le cycliste de 20 ans. Classique des Alpes, Coupe de France, Championnat de France, Coupe de Belgique, il participait aux plus grandes épreuves face aux plus grands espoirs du cyclisme tricolore : « J’ai couru avec des coureurs qui maintenant sont pros et on les voit sur les plus grandes courses, par exemple Lenny Martinez et Romain Grégoire. » Ces deux coureurs ont d’ailleurs gagné le même jour, le 15 juin dernier, respectivement sur le Critérium du Dauphiné et le Tour de Suisse, deux épreuves situées juste en dessous du Tour de France en termes d’importance. « Je me rappelle, en Junior 1, sur le Championnat de France, à un moment donné j’attaque, et quand je me retourne, j’ai les deux dans ma roue. Bien sûr, ils étaient un niveau au-dessus donc je n’ai pas fait long feu », raconte, amusé, Louis Depil.

Le dos cassé, le rêve brisé
Et alors qu’il commençait à performer (2e d’une course fédérale, plus haut niveau français chez les juniors) et que la catégorie espoirs qui se profilait pouvait laisser présager un avenir radieux, le corps du jeune sportif a commencé à faire des siennes : « A la fin de mon année de junior 2, j’ai eu des problèmes de dos. J’ai carrément dû renoncer au Championnat de France une semaine avant. Quand je m’entraînais, je ne pouvais même plus pédaler. Je pédalais 10 km et j’étais en pleurs sur mon vélo tellement la douleur était atroce. Donc j’ai arrêté. » Une blessure physique qui a obligé le cycliste aujourd’hui samarien à faire une petite pause. Mais quand la machine est enrayée, appuyer sur le bouton stop sans la réparer ne résout pas le problème et Louis Depil a vécu une année 2023, pour son arrivée chez les Espoirs, extrêmement difficile : « Durant tout l’hiver, j’avais mon entraîneur qui me donnait des plans d’entraînement. Chaque jour, je lui disais que je ne pouvais pas les suivre tellement la douleur était forte. Au lieu de faire 15 à 20 000 km par an, j’ai fait 2 à 3 000, je ne roulais plus. Mentalement, j’avais complètement lâché. »
Il décidait donc de prendre une plus longue pause afin de se soigner. Les examens révélèrent un décalage du bassin, pathologie pas vraiment guérissable si ce n’est en étant à l’écoute de son corps : « J’ai repris en 2024 et depuis ce temps-là, ça a l’air de tenir. J’ai parfois encore des douleurs, ça me fait plus peur qu’autre chose. Le pire est passé je pense. » De retour en selle, Louis Depil reprenait du poil de la bête en Junior 2 si bien que plusieurs équipes DN, le plus haut niveau amateur, l’avait contacté. Mais conscient que ses douleurs au dos pouvaient revenir à tout moment, un choix difficile a dû être fait : « Moi et mon père, on s’est dit, pourquoi aller là-bas pour souffrir ? Pour ne pas pouvoir exploiter mon niveau ? C’est tellement un monde où il faut être vraiment à 100%. Ça ne sert à rien d’y aller si on est à 50% voire en dessous. »

Le plaisir comme mot d’ordre
Désormais, le vélo, c’est pour le plaisir et quand il n’y a pas de bobos. Le cycliste picard pratique toujours au club nordiste et participe aux courses UFOLEP, des épreuves se déroulant le week-end et donc réservées aux personnes ayant une activité professionnelle à côté : « Maintenant, il y a vraiment des grosses courses. Le niveau commence aussi à s’accroître d’année en année. C’est assez affolant. Au final, on se fait vraiment plaisir, il n’y a pas de pression, il y a un esprit convivial« , se réjouit Louis Depil.
La question de reprendre une licence FFC, à mi-chemin entre le monde professionnel et le monde amateur n’est pas d’actualité : « Il y a plus de points négatifs que de points positifs. Donc pour l’instant, je n’en ai pas tellement envie, il y a trop de contraintes, plein de sacrifices. Maintenant, je travaille. Les coureurs de ce niveau ont déjà 3000 kilomètres de plus que moi alors que je suis déjà à 5 000 depuis le début de l’année. » Alors, en juillet, au moment de fêter ses 21 ans, Louis Depil affrontera davantage le vent que Tadej Pogačar. Mais qu’importe, réaliser son Tour de France est un plaisir et c’est ce qu’il cherche désormais, plus que la performance, et c’est ce qui compte finalement le plus quand on fait du sport.
Simon Vasseur
Crédit photo : Nico Photo et Rebecca Traulle – DR