Éducation aux médias : Jérôme Thomas, le revers de la médaille face aux jeunes

Dans le cadre de l’éducation aux médias, soutenue par l’USEP Somme, de nombreuses classes peuvent rencontrer des profils variés, allant du sportif au chirurgien, en passant par un apiculteur. Aujourd’hui, pour cette intervention, abordons la rencontre entre la légende de la boxe Jérôme Thomas et les classes de CE2/CM1 de l’école Jean Zay de Ham.

En amont de la venue du double médaillé olympique Jérôme Thomas, les classes, en compagnie de Léandre Leber (rédacteur en chef de notre média), avaient préparé des questions. Les thèmes abordés étaient bien larges, en passant de son premier combat, à son plus beau souvenir, sa maladie, son handicap et l’alcool, véritable fléau dans la vie du boxeur. Et c’est donc le 22 avril dernier que ce face-à-face entre le vice-champion olympique et les enfants curieux, a eu lieu.

Le contexte était bien particulier, car une équipe de journalistes de France TV était présente dans le cadre de la réalisation d’un reportage qui sera diffusé sur Stade 2 avec Alexandre Boyon comme journaliste. Si on pouvait s’attendre à ce que les jeunes pousses soient intimidées par la caméra, ce ne fut pas le cas. Malgré l’objectif et la perche, la curiosité avait pris le pas. Avant de commencer, notre rédacteur en chef et porteur de ce projet d’éducation aux médias, Léandre Leber, posait une question toute simple : « On va se rappeler comment d’aujourd’hui ? » Les enfants répondaient à l’unisson : « En écoutant ! » De son côté, Jérôme Thomas posait les bases de cet échange, qu’il attendait. Il demandait le tutoiement, car mettre du vouvoiement aurait mis une distance entre lui et les journalistes en herbe, ce qu’il refusait catégoriquement. Les mains se levaient et le dialogue s’installait.

Il passait alors à la casserole et le natif de Saint-Quentin faisait preuve d’une honnêteté, limite brut de décoffrage, lorsqu’il s’agissait de répondre aux questions. Notamment sur son addiction, où il avouait qu’il y a encore un an, il aurait été incapable d’en parler franchement. Bien évidemment, sa maladie, le syndrome de Poland, a été un des premiers sujets abordés. Là-aussi, le frère de Cyril Thomas, n’est pas passé par quatre chemins. Il montrait sa main, la comparait à l’autre et indiquait avoir subi sept opérations, de ses 7 à 14 ans, et ne s’être jamais renseigné plus que cela sur sa malformation congénitale, de peur que sa mère s’en veuille. Par contre, il insiste sur un fait très important : « Je ne suis pas handicapé, je suis un privilégié. » Concernant sa main gauche différente, il se souvient d’un de ses premiers combats en Pologne, où le jeune Français, alors âgé de 15 ans et demi, se retrouvait face à un médecin qui refusait de le laisser boxer. Il avait alors dû plaider sa cause en compagnie de son entraîneur pour pouvoir monter sur le ring.

Face à la caméra, les enfants n’ont pas été intimidés

Logiquement, les enfants lui posaient des questions concernant sa longue carrière de combattants. Car il ne faut pas oublier que Jérôme Thomas est considéré comme un des plus grands boxeurs amateurs avec pas moins de 300 combats, dont 250 victoires. À la clé de cette myriade de combats, aucune blessures, trois participations aux Jeux olympiques (Sydney 2004, Athènes 2008, et Pékin 2012), de nombreux titres, dont le bronze, l’argent olympique et le titre de champion du monde en 2001, mais surtout une opportunité de passer professionnel. Sous ce nouveau statut, le Français ne disputera que 15 combats, durant lesquels il verra ses arcades êtres ouvertes, son nez être fracturé et des problèmes aux oreilles. Cerise sur le gâteau, ses victoires à travers les deux catégories lui ont fait rencontrer son pire ami, l’alcool. Un succès en amenant un autre, l’alcool mondain arrivait dans sa vie. Pour célébrer, un petit verre qui en amenait un autre et ainsi de suite. Un cercle vicieux débutait, dont le boxeur ne sortira que bien plus tard. Mais nous y viendrons.

Les classes en compagnie de Jérôme Thomas pour se souvenir de cet instant

Revenons un peu sur ses souvenirs de gladiateurs, car c’est un sujet que les journalistes d’un jour ont beaucoup travaillé. Après tout, comment ne pas être curieux et vouloir tout savoir sur une carrière aussi resplendissante. Bien sûr, les JO étaient au cœur des questions. Il avouait que son plus beau souvenir durant les Jeux, assez étonnamment, était lors de ceux de Pékin où le natif de Saint-Quentin était éliminé au premier tour. Il expliquait : « Sydney 2000 et Athènes 2004, je vais jusqu’au bout de la compétition. En boxe, c’est deux semaines. Perdu au premier tour à Pékin, j’ai fait la fête pendant deux semaines. […] J’étais moins sérieux, j’avais du mal à faire le poids. J’ai presque tout gagné, j’avais de l’argent et une belle vie. Je suis éliminé parce que je suis moins en forme et que je manque de sérieux. […] J’ai pu profiter du village olympique pour une fois. »

Concernant son alcoolisme, il ne le cachait pas, bien au contraire. Il revenait en détails sur sa crise de delirium tremens le menant à un centre de désintoxication, en octobre 2023. Il voyait surtout cela comme un signe en lien avec son intervention dans cette classe : « Avec une accumulation de fatigue, isolé, j’ai appelé mon frère. J’étais un zombie. […] Vers 21h, j’ai appelé mon frère qui était infirmier. Il a vite compris. Il a vidé mon frigo, m’a enfermé chez moi et m’a dit qu’il reviendrait le lendemain pour une prise de sang à 7h. […] Il est venu à 7h puis à 12h avec le protocole pour une cure. La clinique dans laquelle je me suis fait soigner, c’est celle d’ici, où il y a la morgue. Comme quoi le destin ! […] Mon frère ne m’a pas obligé, il m’a donné la possibilité. Et alors que j’allais y être dans une semaine, j’ai fait un truc qu’il ne faut jamais faire. Mon corps était tellement en manque d’alcool, j’ai cru que je pouvais ne pas boire et donc je n’ai pas pris mes cachets, au bout de 48h j’ai fait une crise de delirium tremens. Heureusement que ma copine était là, parce que j’ai failli sauter par la fenêtre. »

Les médailles glânées aux Jeux

De là, il mettait les jeunes enfants face à une dure réalité en abordant même sa tentative de suicide et ses liens familiaux qui se détérioraient, pourtant, il avoue que c’est grâce à son frère qu’il s’en est sorti. Lui qui était son dernier rempart. Bien que l’orateur du jour se définisse par sa gentillesse, sa résilience et son exigence envers lui-même, il ne mâchait aucunement ses mots quant aux leçons qu’il tirait de sa vie. « Au début, tu aimes faire la fête. Tu ne sais pas que ce n’est pas bien. Après, c’est quand les autres problèmes arrivent, que ta femme te quitte, tu perds ton travail et que tu ne peux plus payer tes factures. […] Si tu ne te reprends pas en main, malheureusement, tu finis à la rue. […] C’est une maladie en moi. […] Soit je continue et je meurs, ma famille et ma copine vont être malheureuses, mes frères impuissants. J’ai fait comme je fais d’habitude, il faut que je me batte. Ce n’est pas facile tous les jours, il y a des moments où c’est dur, mais ça fait partie de ma guérison. »

Désormais sobre, il souhaite que grâce à ses interventions, des personnes disent désormais « non aux conneries (sic) » que ce soit la cigarette, l’alcool ou la drogue. En insistant particulièrement sur un instant où il s’est énormément remis en question : « J’ai fini en garde à vue pour conduite en état d’ivresse. […] Le jour où ça vous arrive, posez-vous les bonnes questions. » Pour terminer son passage dans la classe, il montrait fièrement ses médailles olympiques, laissant les élèves manipuler ce métal, preuve d’une consécration, prendre la pose avec, et passait du temps avec les enfants pour une séance de dédicaces.

Si le vocabulaire était familier, le geste est noble. Face à des fléaux comme l’alcoolisme, il faut sensibiliser. De par son statut et son vécu, Jérôme Thomas est très bien placé pour le faire. Certains pourraient penser que le public du jour était trop jeune, mais cette maladie touche de trop nombreuses personnes et les conséquences ne sont pas que sur des adultes, car même enfant, on n’est jamais à l’abri de voir un membre de sa famille rongé par cela. Grâce à cette intervention, espérons que les journalistes d’un jour auront appris que même les plus grands champions ne sont pas infaillibles et qu’il n’y a aucune honte à demander de l’aide.

Cyprien Baude
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr

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