SOCIÉTÉ : Soutien parental dans le sport, entre passion et pression
Depuis plusieurs semaines maintenant l’un des sujets récurrent autour du football évoque les relations qui se dégradent autour des terrains lors des matchs de jeunes et entre les parents et éducateurs. Nous avons alors essayé de faire un état des lieux de la situation sur notre territoire et malheureusement, celui-ci n’est pas épargné par le phénomène. Pour cela nous avons pu rencontrer plusieurs éducateurs et responsables de pôle dans des clubs du territoire qui ont fait le choix de rester anonymes.
Le fameux projet « Mbappe »
Pour beaucoup, l’une des raisons de cette dégradation des relations entre les éducateurs et les parents est dû au fameux « Projet Mbappe ». En effet, depuis l’éclosion précoce du phénomène français, un grand nombre de parents veulent voir leurs enfants suivre le pas. De plus en plus de jeunes joueurs arrivent très tôt au haut niveau et les sommes engendrées par ces derniers ont de quoi faire tourner la tête. Pour certains, leurs enfants sont alors devenus une façon d’investir sur l’avenir. Ils poussent alors fortement pour qu’ils réussissent, quitte à aller au-devant des consignes du coach mais surtout du bien-être de leurs enfants. Cela peut engendrer des relations compliquées entre éducateurs et parents frustrés de ne pas voir leur fils réussir. “Parfois les parents viennent nous demander pour que leur fils joue plus, ou joue à tel ou tel poste, car c’est le mieux selon eux. On a de plus en plus de parents qui veulent se substituer au rôle de l’éducateur avec bien souvent une vision individuelle du football. Dès le plus jeune âge, ils filment les actions de leurs enfants et comptent les buts ou autres statistiques.”
Un véritable fléau qui complique la tâche des coachs et tend parfois la relation entre parents ou au sein même d’une équipe et ceux dès le plus jeune âge. Un responsable de pôle nous explique qu’aujourd’hui, être éducateur de jeunes est de plus en plus dur car les enfants sont tellement mis sur un piedestale par leurs parents qu’ils n’écoutent pas vraiment, ou vont vouloir absolument se mettre en avant de façon individuelle. Mais surtout, car les parents interviennent de plus en plus. Il n’est pas rare de voir des parents donner des conseils au coach sur les changements à faire. Chez les plus jeunes, les résultats sont anecdotiques mais certains parents ont du mal à les comprendre.
Les réseaux sociaux au cœur du sujet
On le sait, aujourd’hui pour être vu, l’un des meilleurs moyens est l’utilisation des réseaux sociaux. Si aujourd’hui les clubs diffusent pour beaucoup les résultats des différentes formations sur leurs réseaux, on n’y voit aussi des parents ou des éducateurs y faire de la promotion et ceux dès le plus jeune âge. “Parfois je suis surpris de voir qu’après le match, des parents faire un résumé vidéo ou se mettre à faire un écrit du match de leur enfants en mettant en avant ses statistiques ou autres, de manière purement individuelle, alors que leurs enfants n’ont parfois même pas 13 ans, voir bien moins pour certains » nous explique un coach avant de poursuivre. “Mais il y a aussi des coachs qui font après chaque match faire un résumé sur leurs réseaux en mettant en avant les buteurs et les passeurs par exemple. Ça ne reflète pas vraiment le match parfois et ça dénigre même dans certaines situations l’adversaire. Surtout on “starifie” un peu les enfants et crée des différences avec ceux qui vont être moins mis en avant par les statistiques.” Un problème qui, une nouvelle fois peut créer des tensions et de la jalousie entre enfants, mais aussi avec les parents qui ne vont pas être d’accord avec ce que le coach va dire par exemple.
Une pression constante
Pour certains, cela démarre très tôt avec des parents omniprésents qui vont mettre une énorme pression sans forcément s’en rendre compte. Désireux de voir leur progéniture réussir, ils vont parfois contre le bien-être de leur enfant. L’un des meilleurs exemples est les parents qui poussent de plus en plus tôt pour que les jeunes joueurs rejoignent des clubs un peu plus huppés, qui proposent plus d’entraînement et une plus grande rigueur et une concurrence plus rude. Une pression et des sacrifices que certains n’ont pas envie de connaître aussi jeunes et qui dégoûtent ces derniers du football.
Une exigence dès le plus jeune âge qui a complètement changé la nouvelle génération de footballeurs et qui met en grande difficulté l’avenir du football amateur. En effet, de plus en plus de jeunes voyant qu’ils ne réussissent pas à percer à un bon niveau, préfèrent arrêter plutôt que d’évoluer dans des divisions inférieures. Cela est en partie dû au fait que la nouvelle génération subit une pression constante dès le plus jeune âge pour atteindre le plus haut-niveau mais aussi beaucoup jouent au football attirés par la possibilité de gagner de l’argent et non plus par passion.
Le fléau des académies et coach privés …
Conscients que de plus en plus de parents veulent mettre les moyens pour permettre à leurs petits protégés de réussir, certains ont même trouvé le moyen de se faire de l’argent en créant un nouveau business. Depuis peu, on voit fleurir de plus en plus d’académies privées et de coachs privés qui proposent un complément aux jeunes. Des entraînements supplémentaires qui posent problèmes pour certains éducateurs, comme nous le souligne un responsable sur la métropole amiénoise. “Pour moi c’est problématique à plusieurs égards car déjà, cela crée de fortes inégalités dès le plus jeune âge. Il faut des moyens pour payer ça à ses enfants et tout le monde ne peut pas. Mais ce n’est pas le plus problématique, loin de là. Ils vendent du rêve et sont dans une approche individuelle qui est uniquement tournée sur la réussite personnelle. Il n’y a aucune cohérence avec le travail réalisé en club et c’est une véritable problématique. D’un point de vue physique, on a souvent des blessures dues à une surcharge de travail ou des séances non complémentaires. Mais surtout, les parents en payant cela, veulent avoir un retour et si leur enfant ne joue pas, ils ne comprennent pas. Ils vont aussi le pousser à penser uniquement à ses statistiques et occulter complètement l’aspect collectif qui reste la base du football. Que les jeunes veulent travailler en plus est une bonne chose mais il faudrait que cela se fasse de manière cohérente avec le travail en club et dans l’intérêt du joueur.” Un nouveau business qui illustre parfaitement la nouvelle façon de consommer le football et son côté de plus en plus tourné vers l’argent.
Un apport aussi positif des parents
Il faut quand même relativiser la situation et voir l’apport positif des parents. En effet, ce sont souvent eux les premiers bénévoles qui permettent la tenue des rencontres et la bonne ambiance le week-end. Entre buvette, transport pour se rendre au match et encouragement dans le respect des autres, certains sont irréprochables. Malheureusement cela se fait de plus en plus rare et surtout leur comportement est souvent mis en second plan à cause de l’attitude négative de certains.
A l’image de la société et du football professionnel, le secteur amateur est en train de prendre une autre tournure pour l’avenir du sport et la transmission de ses valeurs. Mais il ne faut pas désespérer et il n’est pas encore trop tard pour changer de visage. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, alors continuons d’y croire.
Aurélien Finet
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports