ÉDITO : Les sportifs ne sont pas tous riches et célèbres…

L’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) menée par Gazette Sports dans les écoles primaires de la Somme familiarise les élèves avec la réalité de la vie des sportifs et du métier de journaliste. Comme elle nous ouvre les yeux sur les questionnements des enfants d’aujourd’hui.

Partout où nous intervenons, dans une école en zone rurale comme à Bouzincourt ou dans celle d’un quartier populaire comme Étouvie, à Amiens, la question des élèves de cycle 3 (CM1 et CM2) est la même : « est-ce que Kylian Mbappé va venir nous voir ? » Car l’étape 1 des interventions dans le cadre de l’Éducation aux Médias et à l’Information, qui consiste à interroger un journaliste, est suivie de l’interview d’un.e sportif.ve. À force, le vœu tellement partagé par ces enfants de 9 à 11 ans – et pas seulement les garçons – prête à sourire. Mais il est si révélateur de notre société et de ce miroir aux alouettes que représente le foot professionnel que même en étant parent – ma plus jeune fille a précisément 11 ans -, cela vaut le coup d’essayer de le décrypter en profondeur…

1°/ Le foot est, de loin, le sport le plus diffusé à la télé et sur les chaînes de sports. 2°/ Kylian Mbappé joue au PSG, le club le plus médiatisé de l’Hexagone, où il vient de prolonger son contrat. Et il porte le maillot de l’équipe de France, avec laquelle il est champion du monde en titre. 3°/ Kylian Mbappé pèse, rien que sur Instagram, plus de 71 millions d’abonnés. Il aurait d’ailleurs peut-être fallu mettre ce paramètre en 1°/.

Bref… Après avoir répondu aux questions des élèves sur le métier de journaliste, nous leur expliquons qu’avec les clubs et les sportifs que Gazette Sports suit au quotidien, nous avons la chance de pouvoir encore interviewer nos interlocuteurs et réaliser nos reportages, globalement, sans devoir passer par des intermédiaires.

Devenir populaire…

Maëlly Dalmat (AUC) devant une classe de l’école Louise Michel, à Amiens Etouvie.

Une façon de les préparer à la déception : non, Kylian Mbappé ne viendra pas à leur rencontre pour l’étape 2, celle qui leur permet donc de poser leurs questions à un.e sportif.ve. Ils auront en revanche face à eux, par exemple, une jeune athlète de l’Amiens UC, Maëlly Dalmat, championne de France en salle du saut en longueur et dont l’ambition est de participer aux JO 2024 à Paris.

Là, bien souvent, ces élèves qui, chez eux, sont scotchés sur leurs écrans devant les matchs ou – surtout – devant les stories de leurs stars préférées, réalisent que la jeune athlète face à eux et dont ils n’avaient jamais entendu parler – « vous n’avez pas de chaîne YouTube ? » – leur ressemble ! Qu’elle a un parcours proche du leur, une vie pas extraordinaire, au sens où on ne la reconnaît pas dans la rue, qu’elle ne passe pas – ou peu – à la télé. Mais qu’en revanche elle publie sur les réseaux, où elle compte déjà quelques centaines voire quelques milliers de followers

Car oui, Maëlly Dalmat est de plus en plus « populaire » : voilà le concept qui revient énormément parmi ce public aux portes de la pré-adolescence, encore trop jeune – officiellement- pour posséder son propre compte Instagram ou Tik Tok.

Devenir riche et célèbre… Si le fantasme ne date pas d’hier, il est clairement très partagé. Parmi leurs questions récurrentes et sans tabou, posées tant aux journalistes qu’aux sportifs : « vous gagnez combien ? » Avec un a priori qui nous ferait presque tous passer pour des propriétaires de grandes maisons et de grosses voitures !

Des élèves de l’école Voltaire à Amiens face à l’escrimeur Paul Fortin.

« L’escrime est une passion, mais je me dis que je ne pourrai pas en vivre. Heureusement, j’étais bon élève et ça, c’est important pour plus tard » a répondu le jeune escrimeur Paul Fortin à une classe de l’école Voltaire d’Amiens. Avant de poursuivre : « je ne touche aucun salaire de l’escrime, zéro, je suis étudiant. L’escrime est un sport amateur. Le foot, tu as un salaire parce que beaucoup de gens regardent, alors les droits télé sont importants. L’escrime, on en voit à la télé une fois tous les quatre ans… »  Yeux écarquillés, moues dubitatives puis regards baissés… Bien travailler à l’école resterait donc fondamental ?

Vincent Delorme
Crédit photos : Léandre Leber (archive Gazette Sports) et Vincent Delorme

1 Comment

  • ÉDITO : Un numéro spécial, pour des p’tits reporters spéciaux ! - GAZETTE SPORTS LE MAG
    2 ans ago Reply

    […] Depuis le 3 juin, nous publions les réalisations d’élèves dans le cadre de nos interventions en Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), déjà six articles parus autour d’athlètes samariens qui font rayonner notre territoire. Des rencontres qui mettent des étoiles dans les yeux des jeunes enfants, qui rêvent parfois de devenir eux aussi des sportifs de haut niveau. L’intérêt de ces interventions est double, car au-delà des apports pédagogiques, elles permettent d’amener les jeunes à garder les pieds sur terre. Comme l’expliquait Vincent Delorme, notre journaliste, dans son édito du 3 juin dernier « les sportifs ne sont pas tous riches et célèbres. » […]

Leave a Comment

Your email address will not be published.

Start typing and press Enter to search