SPORT SANTÉ – Vanessa Leblond : « C’est avant tout prendre du plaisir et se faire plaisir »

Investie personnellement et professionnellement dans le domaine du sport santé, Vanessa Leblond, professeur au pôle sport de l’UPJV, nous livre son avis sur le domaine.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Vanessa Leblond, professeur d’EPS et spécialisée dans les activités physiques adaptées (APA), notamment le sport santé. J’ai également passé un diplôme dans le fitness donc un BPJEPS mention Forme, j’ai passé à l’époque un Brevet d’Etat handisport. Actuellement je suis professeur à l’université au pôle sport d’Amiens où j’ai le côté formation en STAPS donc je forme les étudiants dans tout ce qui est sport santé, APA, etc. Et puis j’ai le côté SUAPS où là je fais faire concrètement de l’activité aux gens, aux étudiants, au personnel de l’UPJV.

Comment cet esprit de sport santé vous est venu ?

Je dirais que c’est venu petit à petit. Surtout qu’issue du monde de STAPS et du monde de la performance, il y avait pour moi deux grands sujets qui n’étaient pas abordés : l’envie des gens et, après ce cap, savoir quoi faire. J’ai donc décidé de créer une association, car les personnes ne pouvaient que le soir avec leur travail, c’est aussi le moment où les gens viennent faire du sport santé. J’essaie à chaque fin de cours de leur dire : C’est bien ! Mais c’est pas assez !

« L’idéal serait d’en faire X fois dans la semaine et de diversifier les pratiques« 

L’idéal serait d’en faire X fois dans la semaine et de diversifier les pratiques : aller faire du vélo, marcher, se garer loin pour marcher plus en ville, bouger bouger bouger… Il faut montrer aux gens que rien n’est perdu, j’ai des personnes des fois qui me disent « je n’ai rien fait avant donc c’est trop tard », non, il y a une plus-value sur la santé à tout moment, même lorsque l’on commence une activité physique.

Donc en fait j’ai vraiment essayé de mixer les gens en difficulté avec le côté performance, issue de la compétition (une minorité), et rapidement je me suis rendu compte que le reste de la population, qui représente le maximum de personnes, ne savent pas quoi faire. Ils auraient envie de bouger le week-end par exemple mais ne savent pas par quoi commencer, donc c’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser à toutes ces personnes en difficulté. Aujourd’hui je propose une nouvelle activité à chaque fois, cette année j’ai mis marche nordique et running santé, je fais aussi des cours de yoga, de pilates, des cours de zumba, des cours de fitness, de relaxation, de respiration… Pour moi il n’y a pas d’activités physiques idéales, l’essentiel c’est que les gens prennent du plaisir, et donc dès que je crée un cours je me dis comment faire pour plaire à tous. Maintenant dans chaque cours que je fais il y a plusieurs options pour montrer que l’on peut tout faire ensemble. Car pour moi le plus important c’est de faire ensemble.

Comment peut-on  favoriser la pratique d’activités physiques auprès des français ?

On sait que l’activité physique est bonne pour la santé, comme on sait que fumer tue, pourtant les gens continuent à fumer, les gens continuent à ne pas faire d’activité physique derrière plein d’excuses, toutes légitimes : la charge mentale, la vie de famille, le travail. Malheureusement les gens attendent d’avoir mal pour se dire « faudrait que j’en fasse ». Donc en fait je pense qu’il faut les envoyer vers des coachs ou profs qui font plein d’activités différentes, parce que peut-être tu vas venir faire du yoga ça ne va pas te plaire et du coup tu vas en faire une généralité, non ! Il faudrait créer des associations multi-activités ! L’adulte ne devrait pas faire une mais des activités physiques.

Séance d’activité physique de plein air, organisée par Vanessa Leblond, de dos sur la photo

Pensez-vous que le développement du digital soit une bonne chose pour la pratique d’activités physiques depuis chez soi ?

Alors je trouve que c’est génial de pouvoir ouvrir internet et d’avoir accès à cette banque de données, tout en trouvant ça très dangereux car comment savoir ce qui est bon ou ne l’est pas pour telle pathologie quand on ne connait pas. On n’a pas de regard externe car les gens n’ont pas de formation spécifique. Après heureusement qu’il y a certaines plateformes qui proposent des coachs.

Ce que je trouve dangereux aussi dans le sport à la maison, c’est que l’on s’isole des autres et pour moi l’une des  clés du bien-être mental c’est être avec les autres, le lien social par l’activité physique est hyper important. C’est avec l’autre que l’on est plus fort. C’est pour cela que l’association ou le club, c’est génial. C’est parce que l’on se sent liés les uns aux autres. Les profs ont donc un super rôle à jouer, et les gens en ont marre d’être seuls chez eux et de faire leur activité physique tout seuls chez eux aussi. Moi typiquement avec le confinement j’ai dû faire des cours sur Zoom, j’ai perdu 2/3 de mon groupe et depuis le week-end dernier j’ai repris les cours de plein air, j’ai récupéré presque tout le monde, et les gens me disent merci, merci de reprendre en plein air.

« Ne pas en faire et trop en faire ce n’est pas bon, il faut trouver le juste milieu !« 

Comment peut-on choisir la bonne activité physique qui nous correspond et qui nous donnent envie de continuer ?

Surtout dire aux gens que ce n’est pas parce que telle activité plaît à un(e) ami(e) que ça va me plaire mais qu’il faut plutôt essayer de faire différentes activités physiques avec la possibilité de payer sa séance et non pas s‘inscrire à l’année. Donc j’essaye, j’essaye, j’essaye et soit je trouve une activité qui me plaît soit je suis d’une nature où tout me plaît et où je n’ai pas envie de m’enfermer dans un système où tous les jeudis je fais telle activité physique et je choisis plutôt de faire telle chose le lundi, une autre le mardi et ainsi de suite. Le sport santé c’est faire bouger les gens, avec n’importe quelles activités physiques. Il faut se diversifier, pour moi c’est ça le sport santé.

Alors après attention il y a le coté « obscur », ceux qui font trop d’activités physiques, trop de répétitions dans le même angle, le problème de la performance par exemple, l’envie de faire de mieux en mieux, ça c’est mauvais pour la santé, c’est anti-santé.

Ne pas en faire et trop en faire ce n’est pas bon, il faut trouver le juste milieu ! Je trouve que c’est ça le sport santé c’est se faire plaisir et prendre du plaisir à bouger.

Vous pensez que ces associations multi activités sont assez exposées pour le coup ?

Non pas du tout ! Alors déjà il n’y en a pas beaucoup qui se disent associations multisports, c’est plutôt fermé, donc il faut en créer et après il faut vraiment y aller au bouche à oreille : « ce prof là est top, il fait attention aux gens ». En fait je trouve qu’il faut presque choisir en fonction de l’intervenant qui encadre l’activité physique. Les maisons sport santé c’est top pour ça, la personne, elle vient, et elle a accès à un panel d’activités et de professionnels de santé.

On sait que le sport santé est un axe important pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, est ce que vous pensez que cela va vraiment aider les gens à plus s‘orienter dans ce domaine ?

On sait que suite aux Jeux Olympiques, on a tout qui explose, toutes les fédérations récupèrent plein de licenciés, ce sont des chiffres réels. Aux JO, on regarde tous des activités que l’on ne regarde jamais habituellement. L’émulation pour les Jeux de Paris, je trouve ça super mais ce que je trouve moins chouette c’est que c’est du sport performance donc destructeur. Mais si après derrière dans chaque fédération, on ouvre tout le côté sport santé, qui est déjà le cas dans quasiment toutes les fédérations, je pense qu’il y aura automatiquement des résultantes positives et on aura la chance de vivre les JO en France dans 3 ans, peut-être la seule et unique fois que l’on vivra les JO de notre vivant.



Hugo Degl’Innocenti et Quentin Ducrocq
Crédits Photos : DR

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