OMNISPORTS : Entretien avec cyril Plé, vice-président du CROS

Quel avenir pour le bénévolat ? Cyril Plé, Vice-Président du CROS Hauts de France et président de la ligue FFME Hauts de France nous donne des éléments de réponses.

On a eu l’occasion d’échanger avec des clubs, de parler avec de nombreux bénévoles, on se rend compte que le bénévolat aujourd’hui est en difficulté. On sait que les JO sont une ressource importante de bénévoles, pensez-vous que ce type d’événement pourrait profiter au bénévolat et relancer une dynamique pour mobiliser plus de monde ?

Je pense que concrètement, les JO sont une formidable vitrine pour l’activité sportive. Suite à la diffusion des JO, on a souvent une recrudescence du nombre de pratiquants dans les clubs, parce qu’il y a un engouement. Dans ces pratiquants-là, il y a des bénévoles qui aident à faire fonctionner les clubs. C’est grâce l’augmentation du nombre de licenciés que l’on trouve nos futurs bénévoles. Ce qui est difficile, ça va être davantage l’aspect sociétal où aujourd’hui les gens sont dans la consommation plus que dans l’implication volontaire. Ce qui est problématique dans nos clubs aujourd’hui, ce sont des gens qui viennent pour pratiquer un sport dans une association, sans même savoir comment fonctionne cette association. Le fonctionnement associatif, ça ne tombe pas sous le sens des pratiquants, même au sein des associations, et d’ailleurs on le voit quand il y a des assemblées générales dans des clubs ou fédérations, c’est toujours très difficile d’avoir une mobilisation importante des licenciés d’un club.

C’est vrai qu’aujourd’hui on consomme le sport comme n’importe quel produit, il y a peut-être un manque d’investissement de certains pratiquants ?

Effectivement, mais comme partout maintenant. Ça passe par la communication. Il y a peut-être un travail à faire au sein des clubs et nous-même (CROS) pour expliquer comment le mouvement sportif fonctionne aujourd’hui. Plus de 80% de la communication dans les associations est gérée par des bénévoles, mais c’est peut-être aussi notre rôle à nous. Les gens viennent mais si on ne leur explique pas le fonctionnement associatif ça ne peut pas marcher. C’est un travail de fourmis, nous on fait des diffusions sur les réseaux sociaux, mais ça reste de l’entre soi. En tant que dirigeant, on s’informe, mais ce n’est pas forcément diffusé au grand public. Il y a vraiment une valorisation à faire sur le fonctionnement associatif sportif tel qu’il est aujourd’hui.

Il y a vraiment une valorisation à faire sur le fonctionnement associatif sportif tel qu’il est aujourd’hui

Etes-vous inquiet par rapport à ce manque d’investissement justement ?

Alors en fait il y a deux niveaux d’investissement dans un club. C’est toute la complexité. Il y a le premier niveau, les initiateurs, les formateurs, les animateurs de clubs, c’est un niveau qui est assez proche du terrain. Là on n’a pas de problème. D’ailleurs dans les sports collectifs, on voit toujours qu’il y a des parents volontaires, même s’ils ne sont pas partie prenante dans l’organigramme du club, à emmener des enfants sur les championnats par exemple. Il y a quand même un maillage des gens de terrain, c’est très important. Ensuite, il y a une autre implication du bénévolat, c’est celle des dirigeants associatifs. C’est là où je suis un petit peu plus inquiet. Je remarque une vraie fébrilité aujourd’hui à prendre des responsabilités organisationnelles au niveau des clubs. Qui veut être président ? Qui veut être trésorier ? Qui veut être secrétaire ? Aujourd’hui, on arrive à donner des micros-responsabilités et diluer ces responsabilités dans un comité directeur en disant « Toi tu vas t’occuper plutôt de l’aspect compétition, toi tu vas t’occuper plutôt de l’aspect loisir ». Les gens veulent bien prendre des responsabilités à ce niveau-là. En revanche, une responsabilité davantage institutionnelle tel que trésorier, secrétaire, président, c’est ce qui devient très compliqué.

Je remarque une vraie fébrilité aujourd’hui à prendre des responsabilités organisationnelles au niveau des clubs

Cette mutation du bénévolat est peut-être liée à un manque de temps tout simplement ?

On est d’accord, mais de fait, une association ne peut pas fonctionner sans ces personnes-là. Légalement, il faut un président, un secrétaire et un trésorier pour créer et gérer une association. Il en va aussi de son développement. Comme une entreprise, comme une école ou comme une espèce d’organe vivant, il faut un projet associatif, il faut une direction, il faut une équipe dirigeante et une forme de vision de ce que le club veut faire. Si on veut développer le sport santé par exemple dans un club, ça ne se fait pas comme ça d’un claquement de doigts. Il faut avoir une impulsion, avoir une ambition de dirigeant. De la même manière on a parlé ces dernières années de la valorisation du sport féminin, si on veut que ça marche dans les clubs, ça veut dire qu’il faut une vraie politique sportive au sein des clubs et un vrai projet associatif. Malheureusement, trop souvent dans des clubs ce sont des gens qui assurent ces fonctions-là, faute d’autres candidats. On trouve des présidents qui sont un peu là à l’insu de leur plein gré parce que personne n’a voulu y aller, vous l’avez dit, faute de temps.

C’est peut-être aussi un problème générationnel ?

Franchement d’un côté c’est indéniable, on voit que la société devient assez individualiste. Cela dit, je vois quand même beaucoup de jeunes qui ont envie de s’investir dans de l’humanitaire, dans de l’écologie, dans du développement de projet, je vois beaucoup de jeunes qui ont envie de faire des choses. Il ne faut pas dire que les jeunes ne pensent qu’à eux. Après ce qu’il faut, c’est réussir à les chercher et à faire en sorte qu’au sein des associations il y ait une dynamique qui fait que chacun y trouve son compte. Ça peut bien marcher pour un encadrant, c’est-à-dire d’aller voir un jeune qui est inscrit depuis qu’il a 10 ans au club, qui arrive à 16, 17 ans et qui commence à faire des formations fédérales, commence à passer quelques diplômes. Tu fais partie du club depuis un certain moment et concrètement c’est bien de t’investir encore plus, je pense que là ce n’est pas un problème. Il faut avoir une vraie stratégie de dirigeant et de dire ce jeune-là, qu’on a réussi à fidéliser, qu’on a réussi à intégrer au niveau de notre équipe d’encadrement, et bien petit à petit de les faire venir dans le comité directeur.

Il ne faut pas dire que les jeunes ne pensent qu’à eux

Comment fait-on pour valoriser cet engagement bénévole ?

Pour envisager un avenir il faut déjà avoir la capacité de repérer les personnes et les accompagner petit à petit. Parfois je rencontre des présidents de CT, qui me dise « cela fait 2 mandats qu’on veut laisser la main » mais concrètement ils ne préparent rien pour qu’il y ait quelqu’un qui prenne la suite, et ça aussi c’est un travail qu’il y a faire. Certaines choses existent déjà, aujourd’hui il y a quand même au niveau de l’Etat des choses qui permettent de le valoriser, par exemple il y a le guide du bénévolat qui référence tous les avantages à être bénévole. De la même manière, il y a un compte associatif pour demander des subventions, où l’on peut déclarer quand on est dirigeant , le nombre d’heures qu’on effectue à l’année. Ces heure-là peuvent être valorisées en temps de formation professionnel. On a tous un compte formation, et bien le bénévolat peut-être valorisé et il y a très peu de gens qui le savent.

Pour mobiliser, il faut quand même récompenser d’une certaine manière le bénévolat ?

Tout dépend quel type de bénévole on veut, c’est sûr qu’un retraité, tu peux lui dire qu’il va cumuler des heures pour un compte formation ce n’est pas forcément intéressant, alors que pour un actif ça peut l’être. En tant que dirigeant associatif, président de ligue, au niveau du guide du bénévolat je me suis rendu compte que j’avais le droit à un certain nombre de demi-journées, que je pouvais demander à mon employeur par rapport à de la gestion associative. Après charge à l’employeur d’accepter, mais en tout cas c’est dans les textes de loi et ce sont des choses complètement inconnues. On peut, par exemple, déduire ses frais kilométriques par rapport à ses impôts. Au sein du CROS, on essaie justement de valoriser et de mettre en avant tout ce qui existe. Et peut être dans un avenir proche faire des propositions pour avoir des valorisations supplémentaires. On peut imaginer tout un tas de choses, que le bénévolat soit pris sur des points retraites lorsqu’on est actif par exemple. En tout cas, ça peut être un moyen d’attractivité pour des gens qui auraient envie de s’investir dans le bénévolat. J’avais rencontré une entreprise où ils valorisaient le mécénat de compétences. Concrètement c’est lorsque l’entreprise met à disposition des salariés pour aller faire du bénévolat dans des associations sur le temps de travail. Il peut y avoir un salarié qui devient trésorier d’une association, il passe quelques heures par semaine à faire de la trésorerie et c’est ce travail de trésorerie qui lui amène des compétences de comptabilité valorisées dans l’entreprise. Et cela serait un vrai moyen d’avoir du bénévolat dans les clubs mais pas n’importe quel bénévolat, du bénévolat de gens actifs, dont des jeunes.



Timothée Hallet, Dorian Martin-Maisse et Quentin Ducrocq
Crédit Photos : DR

Leave a Comment

Your email address will not be published.

Start typing and press Enter to search