ARBITRAGE : Entretien avec Dominique Cacelle

A l’occasion de notre numéro sur l’arbitrage, nous nous sommes entretenus avec Dominique Cacelle, ancien arbitre de football, pendant 30 ans, et désormais observateur des arbitres assistants pour la Ligue des Hauts-de-France.

Bonjour Dominique, pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre parcours dans le football ?

J’ai démarré le foot à l’ASPTT Amiens, j’y ai joué entre 7 et 16 ans. J’étais un piètre joueur. Et j’avais un copain d’école en 3ème qui était déjà arbitre et dont le père était arbitre de Ligue et c’est lui qui m’a amené à l’arbitrage.

J’ai été arbitre de District pendant 2 ans, de 16 à 18 ans. Et puis à 18 ans, je suis devenu arbitre de Ligue jusqu’à ma fin de carrière. J’ai donc démarré en 1981, j’ai arbitré en Ligue à partir de la saison 1983-84 et j’ai arrêté il y a maintenant 8 ans.
Les 10 dernières années, j’ai été arbitre assistant en CFA et CFA2.

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre fonction actuelle ?

Actuellement, je suis observateur pour la Ligue des Hauts-de-France au niveau des arbitres de Ligue. Ce rôle consiste à, tous les dimanches, aller voir un arbitre, à l’observer. J’observe les assistants en R1. Il y a 2 groupes de 10 ou 15 arbitres assistants en R1. Chaque observateur a un groupe, on va voir chacun nos 15 arbitres, on les classe de 1 à 15 et à la fin on obtient un classement où les premiers montent et les derniers sont susceptibles de descendre.

Depuis le temps que vous évoluez autour de l’arbitrage, quels sont les principales évolutions que vous avez pu noter ?

Avec le nombre des années, l’arbitrage s’est rajeuni, il y a beaucoup plus de jeunes arbitres, c’est indéniable. Et la qualité s’est améliorée. Quoi qu’on en dise vu de l’extérieur. Les arbitres sont beaucoup mieux préparés, beaucoup plus performants athlétiquement. Il y a une partie condition physique, athlétique qui a beaucoup évolué. Je pense que c’est la grosse évolution. Le jeu est peut-être un peu plus rapide mais je pense que le niveau général du foot a baissé en Régional. Mais d’un point de vue athlétique, ça s’est amélioré. En 10-15 ans, ça a énormément évolué.

Comment l’expliquez-vous ?

Peut-être qu’on a eu des locomotives, des gens comme Ruddy Buquet et Guillaume Debart qui ont attiré des jeunes à l’arbitrage. Il y a aussi les écoles d’arbitrage qui existent avec des partenariats comme à la Cité Scolaire. Il y a des gens comme les arbitres de la Somme qui font un travail énorme depuis 20 ans pour recruter et former. Tout ça, ce sont des choses qui n’existaient pas à mon époque, on était livrés à nous-mêmes.

Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a un changement de rapport entre les arbitres et l’ensemble du monde du football, joueurs, supporters, etc. ?

Il y a un peu de changement. Je pense qu’on est devenu un peu plus professionnels quelque part. Cela veut dire une meilleur préparation, mais par contre, les rapports sont différents de ce que j’ai connu il y a 30 ou 40 ans où c’était plus convivial, c’était plus « famille du foot ».

À partir d’un certain niveau, il faut cette rigueur pour ne pas qu’il y ait de risque qu’il y ait un arbitrage que l’on voit à la télé et un arbitrage en Ligue qui soit différent.

Est-ce que cet éloignement ne risque pas de renforcer les frustrations par rapport à l’arbitrage ?

Je ne pense pas. Peut-être un peu par rapport au spectateur. Mais je pense que pour avoir un arbitrage de bonne qualité, il faut passer par là, à un certain niveau. À un plus bas niveau, ce n’est peut-être pas ce qu’on demande, mais à partir d’un certain niveau, il faut cette rigueur pour ne pas qu’il y ait de risque qu’il y ait un arbitrage que l’on voit à la télé et un arbitrage en Ligue qui soit différent. Il faut harmoniser un maximum.

Est-ce que l’image, pas toujours très positive, des arbitres au niveau professionnel, rejaillit sur le niveau amateur ?

Oui, je pense, les gens ont toujours tendance à voir les choses par le prisme de ce qu’ils voient à la télé. Et puis, on ne pourra pas empêcher un supporter d’être supporter. Et quand tu es supporter, tu n’as jamais l’objectivité de quelqu’un de neutre.

Quand on évoque la question de l’arbitrage dans le football amateur, on parle souvent de violence, c’est quelque chose que vous avez ressenti, que vous avez craint ?

Non, je pense qu’au niveau Ligue, on ne craint pas grand chose. Je pense que c’est plus quand tu descend à un très bas niveau qu’il faut être prudent. Maintenant craindre, non. Après, pour ce qui est des violences verbales, tu ne peux pas les empêcher. Dès qu’il y a un peu de frustration, les gens s’emportent.

Ce que vous nous décrivez, finalement, c’est un niveau Ligue qui est un bon intermédiaire en termes de pression entre les professionnels avec un fort enjeu et le District et une forte proximité avec le public ?

Ça n’a rien à voir, c’est vrai que c’est un niveau intermédiaire. Et puis, il y a de moins en moins de monde dans les stades.

Ça permet d’avoir un arbitrage plus serein ?

Sans doute, oui.

Comment on fait pour se mettre dans la peau de devoir juger les arbitres quand on l’a soi-même été ?

Cela se fait naturellement. Et puis, ce n’est pas tant que cela une histoire de jugement, c’est plus un rôle de conseil et une question de ressenti, comment tu ressens les choses par rapport à ce que tu as vécu. Par rapport aux consignes aussi, bien sûr, de la Direction Technique de l’Arbitrage. Mais il faut que ça reste cordial. C’est en tout cas comme cela que je le conçois. Il faut que ça reste amical et puis tu relates simplement ce que tu as constaté par rapport à la prestation de l’arbitre.
Cela permet d’être plus performant et sans doute d’être plus respecté aussi. Pour les assistants, c’est un peu différent, mais pour les centraux, c’est important.

Vous faites une nette différence entre un assistant et un arbitre centrale de ce point de vue ?

Oui, tu n’as pas les mêmes contacts quand tu es arbitre assistant ou arbitre central. Quand tu es arbitre central, tu es au cœur de jeu, il y a donc plus de dialogue entre l’arbitre central et les joueurs qu’entre un assistant et les joueurs.

Être assistant demande vraiment beaucoup d’attention. […] La décision d’un assistant sur un hors-jeu, cela peut engendrer de la frustration parce que ça peut changer le cours du match.

Vous diriez donc que c’est plus confortable ?

Plus confortable, je ne sais pas. Parce que la prise de décision ou la non-prise de décision sur un hors-jeu est vachement (sic) importante. Être assistant demande vraiment beaucoup d’attention. A la limite, quand tu es au centre, si tu siffles un coup-franc à 50 mètres du but, même si c’est litigieux, ça passe. Alors que la décision d’un assistant sur un hors-jeu, cela peut engendrer de la frustration parce que ça peut changer le cours du match. Après, ce sont deux fonctions différentes, mais celle d’arbitre assistant demande beaucoup de concentration.

Est-ce qu’une comparaison avec le poste de gardien, pas au cœur du jeu mais devant être attentif sur des actions décisives vous paraît pertinente ?

Peut-être un peu mais l’assistant est aussi toujours en liaison avec le central pour l’aider, si l’arbitre central n’a pas vu une grosse faute. Il a cette fonction d’aide permanente à son arbitre central qui est importante, aussi.

Quand on voit l’usage qui est fait de la vidéo chez les professionnels, son absence au niveau amateur est peut-être un facteur de tranquillité pour les arbitres, notamment assistants sur les hors-jeu ?

Si c’est vraiment un hors-jeu énorme que l’arbitre n’a pas vu, c’est embêtant. Mais sur une position litigieuse, sans vidéo, le doute profite à l’arbitre.

Puisque l’on parle vidéo, que pensez-vous de la VAR ?

Je pense que c’est bien. A titre personnel, je pense que c’est un plus, c’est une aide à l’arbitrage. Ça évite le but qui ne doit pas être validé.

Vous n’avez pas l’impression que, dans le cas du hors-jeu, le fait que cela permette d’être tatillon au centimètre près dénature un peu l’esprit de la règle ?

C’est toujours un peu le risque. Mais soit on le fait, soit on ne le fait pas. A partir du moment où l’on met le doigt dans l’engrenage, en se disant qu’on met la vidéo sur les hors-jeu, effectivement, quelques fois, ça se joue à trois fois rien. Et il faut imaginer, quant à la vidéo, au ralenti, tu as le doute, à vitesse réelle ce que c’est pour un arbitre.

Marco Van Basten proposait récemment de supprimer la règle du hors-jeu, qu’est-ce que vous en pensez ?

C’est déjà une proposition qui a été faite il y a quelques années, à mon avis, ça change complètement le football, au niveau de la disposition sur le terrain, au niveau tactique. Ça permet de mettre un ou deux joueurs devant en permanence, ça empêcherait les arrières de monter. On peut imaginer plein de choses. Ça changerait plein de choses, ça ne serait plus le même football. Personnellement, je ne le tenterai pas.

Stéphanie Frappart, avec qui a évolué Dominique Cacelle, officie désormais en L1 et est une réussite marginale d’un arbitrage au féminin encore en retrait

Vous avez été assistant de Stéphanie Frappart, que pensez-vous de son ascension ?

Ah, oui, effectivement, j’ai été trois fois avec elle. C’est très bien, c’est formidable, c’est une réussite. Ce n’est pas une histoire de sexe, elle est là en tant qu’arbitre, tout simplement. Tu regardes dans d’autres sports, au basket et au hand, il y a quelques arbitres féminines qui arbitrent à un bon niveau. C’est vrai que Stéphanie Frappart, c’est une super réussite.

Cela reste un cas isolé ou vous remarquez une évolution dans la présence de femmes dans l’arbitrage ?

Ça évolue assez lentement. Il y a quelques femmes. Dans la Somme, il y a Clothilde Brassart qui est assistante en D1 féminine. Il y a Sandrine Launay, en D2 féminine. Ça progresse un peu mais c’est quand même très dur.



Morgan Chaumier

Crédit photo : DR

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