ARBITRAGE – Football Américain : Sébastien Robillard, 20 ans au service de l’arbitrage !

Sept personnes parées de rayures noires sont présentes autour du terrain mais chacune a son rôle bien défini. Avec plus de 20 ans d’arbitrage, un cœur Spartiates, Sébastien Robillard est l’un des engrenages fort du club et de la fédération de par son rôle. Ayant fait régner le règlement sur plus de 300 rencontres, il nous aide à y voir plus clair et à comprendre les missions de ces hommes zébrés.

Être arbitre demande un sacrifice : sacrifier ses week-ends pour vadrouiller à travers le département, la région, voire le pays pour exercer sa passion. Ce choix n’est jamais facile et la rémunération, tout comme la reconnaissance sont souvent faibles. Exercer le rôle d’arbitre se fait, trop souvent, aux dépens de la vie sociale ou familiale. Mais, dans le milieu sportif, sans ces personnes prêtes à tout plaquer, aucun événement n’aurait lieu. Même au sein d’une fédération comptant presque 30 000 licenciés, il y a une pénurie d’arbitres et régulièrement, ce n’est pas une vocation, mais quelque chose qui arrive au fur et à mesure. Ce fut le cas pour Sébastien Robillard : « Quand j’étais junior, j’appréciais que les seniors viennent arbitrer nos matchs. Je ne voyais aucune raison pour ne pas faire la même chose à mon tour. C’est comme ça que je suis venu à l’arbitrage. Ce n’était pas une vocation ! (rires) »

Il n’est pas aisé de vérifier les comportements et le respect des règles quand 22 joueurs sont à surveiller. C’est pour cette raison que l’arbitrage d’une rencontre est réalisé par un corps arbitral. Dans le cadre du Foot US, ce corps est composé de trois à sept arbitres en fonction des divisions et des disponibilités, et peut monter jusqu’à huit dans le cadre des rencontres internationales. Ces derniers sont souvent considérés comme la troisième équipe sur le terrain.

Un arbitre, oui, mais lequel ?

Suite à une formation, il y a 20 ans, de deux jours en salle et une demi-journée de pratique, l’Amiénois s’est retrouvé sur le terrain pour son premier match en tant qu’arbitre. Avoir un passé de joueur l’a aidé à comprendre ce sport qui n’est pas toujours clair pour les novices.

Le Football Américain dans ses grandes lignes :

Pour commencer, c’est un jeu de gagne terrain. L’attaque possède quatre tentatives pour avancer de 10 yards. On est donc plus proche du rugby à XIII qu’à XV. Cette progression se fait de deux façons : soit on court avec le ballon soit on fait une passe en avant. Les tentatives démarrent à l’arrêt. Cela permet à la défense de toujours être en place et il en est de même pour l’attaque. De plus, il est également possible de punter le ballon, c’est-à-dire d’effectuer un renvoi au pied. Une des comparaisons souvent faites au sujet de ce sport est celle des échecs où les pièces seraient vivantes, insistant ainsi sur le côté stratégique de cette pratique. Pour plus d’explications et de détails, cliquez ICI. Les joueurs essayent d’appliquer des tactiques très poussées pour tromper l’équipe adverse. Il arrive que ces stratagèmes se retrouvent dans une zone grise d’application des règles, rendant le travail des arbitres encore plus compliqué.

Sébastien Robillard, ancien joueur pour Les Spartiates d’Amiens et arbitre national depuis maintenant quinze ans, nous explique les différents rôles disponibles au sein du corps arbitral : arbitre principal, juge de chaîne, juge de ligne, juge de mêlée, juge de champ, juge de côté, juge de champ arrière et juge de centre (nouveau poste depuis quelques années en France et en Europe, surtout utilisé au niveau international). Huit postes différents qui sont attribués deux heures avant la rencontre. Ce choix d’attribution est réalisé par l’arbitre principal symbolisé par sa casquette blanche. Chaque membre du corps arbitral doit être capable de performer à chaque position. On a donc un véritable travail d’équipe pour assurer le bon déroulement d’un match. Cette cohésion se constate le jour d’un match : « L’accompagnement des novices se fait, malheureusement, le jour du match. On a une heure et demi pour préparer la rencontre. Ce temps est passé à former les néo-arbitres à leur poste ainsi qu’à leur rôle sur les actions. Je décompose le match de l’arrivée des joueurs au coup de sifflet final pour les aider à comprendre mes attentes », indique l’arbitre aux 300 matchs. Mais justement, quel est le rôle de chacun ?

Arbitre principal :
Positionné derrière l’équipe qui attaque, il s’assure du bon nombre de joueurs (11), vérifie les contacts sur le quarterback, le punter ou le kicker et signale principalement la pénalité de brutalité envers le passeur (roughing the passer). Il est le seul à pouvoir se prononcer sur la décision finale en cas de désaccord.

Juge de mêlée :
Posté à côté de l’arbitre principal, il compte lui aussi les joueurs offensifs, mais signale majoritairement les blocks ainsi que les tenus (holdings). Il est également chargé de la vérification de conformité des équipements des joueurs.

Juge de chaîne :
Responsable de la chaîne de 10 yards, on le voit sur le bord de touche. Il mesure précisément la position du ballon pour vérifier l’avancée et la distance qu’il reste à parcourir afin de convertir la tentative. Concernant les fautes, il signale généralement les fautes pré-snaps (avant le lancement du jeu) telles que les hors-jeu ou faux départ et vérifie que les joueurs ne sortent pas des limites du terrain.

Juge de ligne :
Il fait face au juge de chaîne. Il a à peu près les mêmes responsabilités au sujet des fautes et sortie du terrain. Mais, contrairement à son vis-à-vis, il s’assure si une passe est en avant ou en arrière. Il signale donc les fumbles ou passes incomplètes. Souvent, il est chargé de vérifier que le quarterback ne dépasse pas la ligne d’enjeu au moment du lancer ou que le punter ne la dépasse pas au moment du coup de pied.

Juge de champ :
Situé du même côté que le juge de ligne, il est derrière la défense et s’occupe de tout le fond du terrain. Il compte le nombre de défenseurs et évalue s’il y a passe incomplète, usage illégal des mains, interférence de passe ou block illicite. Durant un field goal ou une transformation au pied, il est situé sous les poteaux avec le juge de champ arrière et indique si la conversion est bonne

Juge de côté :
Il a exactement les mêmes responsabilités que le juge de champ, mais de l’autre côté, donc sur celui du juge de chaîne.

Juge de champ arrière :
Il se place sur le terrain derrière la défense, il s’intéresse particulièrement aux tights-ends (poste d’attaquant hybride pouvant courir avec le ballon ou recevoir une passe). A l’instar du juge de côté et de champ, il peut évaluer si une passe est incomplète ou s’il y a interférence de passe ou usage illégal des mains. D’autre part, il gère le chronomètre pour les 40 ou 25 secondes avant la remise en jeu et signale la pénalité de delay of game, c’est-à-dire retard de jeu.

Les fautes sont signalées par des flags : des petits mouchoirs jaunes lestés. Ces derniers sont jetés par l’arbitre ayant repéré une infraction. Ces mouchoirs peuvent être lancés par l’arbitre principal, mais également par n’importe quel membre du corps arbitral. Contrairement au football ou au rugby, une faute n’interrompt pas le jeu. Il est donc important de jeter le mouchoir à l’endroit où l’infraction est faite. C’est donc à la fin de l’action que les arbitres s’entretiennent pour évaluer la gravité de la faute ainsi que la sanction à appliquer (cinq yards, 10 yards ou 15 yards de recul). Lorsqu’un de ces mouchoirs est jeté, cinq questions sont posées par l’homme à la casquette blanche : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Ces demandes permettent de sonder la situation et de se concerter avec les autres membres du corps arbitral pour évaluer la sanction. En effet, en fonction de la gravité, la pénalité peut être appliquée au point de faute ou bien à l’endroit où l’action s’est terminée. La décision est rapide : trois à quatre secondes. L’absence de vidéo demande aux arbitres d’être sûrs de leurs décisions.

Je décompose le match de l’arrivée des joueurs, au coup de sifflet final pour les aider à comprendre mes attentes

Sébastien Robillard

La TV et le terrain, deux réalités différentes

« J’ai eu le plaisir d’arbitrer la finale européenne entre les Flashs de La Courneuve et les Blacks Panthers de Thonon-les-Bains en France. J’ai eu l’impression que plus les matchs sont haut en niveau, plus les équipes sont focalisées sur elles-mêmes. Souvent, ce genre de match se passe beaucoup mieux pour le corps arbitral, malgré les enjeux, qu’un match en régional.«  Il poursuit : « Les joueurs n’ont pas forcément connaissance des règles, les coachs n’ont pas forcément non plus les bonnes connaissances, la bonne maîtrise. Certains croient tout savoir en regardant les matchs de NFL à la télévision alors que nous utilisons les règles du championnat universitaire américain : NCAA. » Une des grandes différences est sur la validité d’une réception. En NFL, pour valider un catch, il faut poser les deux pieds au sol après réception tandis qu’en NCAA un seul pied suffit. Cette différence, certes infime, peut faire basculer des matchs. Ne pas la connaître peut nous faire passer pour des personnes peu impliquées.

La protection des joueurs, un objectif difficile à atteindre

Une des problématiques, les plus importantes, actuellement, est le sujet de la commotion cérébrale. Dans un sport de contact, un choc arrive vite et, trop souvent, on n’y fait pas attention. Sébastien Robillard a pu constater une véritable évolution à ce sujet : « A mes débuts, c’était un peu un sport de bourrin. On pouvait taper dans tous les sens, notamment au niveau de la tête, mais plus j’ai avancé dans ma carrière d’arbitre, plus la sécurité et l’intégrité physique des joueurs étaient mises en avant. L’interdiction de toucher la tête des joueurs et de taper avec le casque a demandé un gros travail à la fois pour nous, les arbitres, et les joueurs, car il en va de la sécurité de l’athlète. » Cependant cette progression ne permet pas d’assurer la disparition des « commos » : « Une légère chute en avant avec le casque peut suffire pour provoquer une commotion. Il ne faut pas oublier que c’est un sport de contact. » Si les règles mettent davantage l’accent sur la sécurité du joueur, qu’en est-il des équipements ? Encore de nos jours, trop de joueurs ont des séquelles graves suite à ces commotions non traitées/repérées. On commence à voir arriver des équipements capables de détecter ces chocs au niveau de la tête. Notamment dans le hockey sur glace où un boîtier, situé dans le casque, envoie l’intensité des impacts à une application disponible, accessible par le joueur, qui peut prévenir les risques en consultant. Cependant, ces innovations mettent du temps à arriver dans d’autres sports tels que le football américain. Pour l’instant, la protection optimale est une simple mousse à mettre autour du casque appelée guardian cap, obligatoire à l’entraînement en NFL depuis 2022, que l’on peut également trouver au hockey.

Etre arbitre c’est aussi être sportif

Sébastien Robillard, qui est également formateur pour les jeunes arbitres, nous donne les qualités qu’il juge nécessaires, pour le devenir : « Bien évidemment, il faut être motivé et aimer le sport. Une soif d’apprentissage est requise car on apprend tous les jours, que ce soit en arbitrant ou en regardant un match à la télévision. Une bonne préparation physique est aussi obligatoire, les joueurs s’entraînent deux à trois fois par semaine. Donc, en tant qu’arbitre, on doit le faire au moins une fois par semaine pour suivre leur rythme. Si, le jour du match, on doit suivre un joueur en sprint et que l’on n’est pas prêt, ça va être compliqué pour nous ! »


Pratiquer la même discipline pendant dix ans n’est pas facile, mais alors que dire de ceux qui le font pendant 20 ans ? Comment conserver l’envie ? Chacun a ses façons de faire et souvent, se fixer un objectif aide. Il arrive également qu’un aspect de notre discipline nous motive naturellement. C’est le cas pour S.Robillard qui, malgré toutes ces années de pratique, arrive encore à conserver sa passion en puisant dans les choses simples : « Faire de nouvelles rencontres est une des motivations. Mais, l’année dernière j’avais un objectif : obtenir la qualification d’arbitre pour la finale Elite. Je l’ai obtenu mais pas en tant qu’arbitre principal. Cette saison, je souhaite être encore meilleur et, pourquoi pas, avoir la casquette blanche pour la finale Elite mais, pour cela, je vais devoir travailler mon anglais ! (rires) »

Interview : Cyprien Baude et Léandre Leber / Rédaction : Cyprien Baude / Crédit photo : Théo Bégler et Léandre Leber – Gazettesports.fr
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