MIXITÉ : L’amour est dans le dojo

Si le sport est réputé pour être un important vecteur de rencontres, Nico Kanning et Lucie Louette, deux anciens judokas de haut niveau, en sont le parfait exemple. En ce jour de Saint-Valentin, le triple champion d’Allemagne est revenu pour Gazette Sports, sur leur idylle qui n’aurait certainement jamais pris vie sans le judo.

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Rien ne prédestinait la magnifique histoire liant Lucie Louette et Nico Kanning, elle qui est née ici à Amiens, et lui qui a passé son enfance en capitale allemande. Pourtant, le choix commun de commencer le judo dès leur plus jeune âge allait chambouler leur vie. Environ mille kilomètres les séparaient, mais les deux judokas, à présent majeurs, s’apprêtaient à se voir pour la première fois grâce à leurs performances respectives. En 2003, Lucie et Nico sont conviés à Saint-Pétersbourg, en Russie, pour disputer le plus grand tournoi juniors de la discipline. S’ils triomphaient chacun de leur côté, en dehors des tatamis, c’était le coup de foudre. Nico Kanning raconte : « C’est comme si c’était hier. On était très jeunes, on avait 18 ans. On s’est vus dans l’hôtel et il y a un Allemand dans mon équipe qui parlait Français, donc il faisait un peu le contact. On s’est rencontrés là et c’est devenu le grand amour.« 

Je savais que si j’allais à ces tournois, j’allais voir Lucie.

Nico Kanning

De retour à la maison, les deux tourtereaux s’envoyaient des nouvelles par mail ou par lettre. Les rares moments où ils pouvaient à nouveau se voir, c’était à l’occasion des compétitions. « Ça m’a motivé à être un peu plus performant parce qu’il y avait plein de tournois internationaux où il fallait être sélectionné pour participer. Je savais que si j’allais à ces tournois, j’allais voir Lucie.«  plaisante aujourd’hui l’athlète berlinois. Leur relation à distance se renforçait ainsi au fil des événements, aux quatre coins de l’Europe. D’autant plus que Nico Kanning expliquait ne pas vraiment avoir les moyens pour venir dans l’hexagone. Voyage qu’il fit néanmoins une première fois, non sans embûches : « Je suis allé en France sans prévenir mes parents qui pensaient que j’allais chez un copain le week-end. Je n’avais pas l’argent pour, donc je m’achetais le billet le moins cher Berlin-Cologne. Arrivé à Cologne, je prenais le billet aller-retour Cologne-Paris le moins cher, mais de retour à Cologne, je n’avais pas de billet de train pour rentrer à Berlin. J’avais au total je pense quarante-euros dans un sac avec que des petites pièces. J’ai trouvé quelqu’un pour du covoiturage, mais la dame m’a demandé soixante-dix euros. Je lui donne le sac en espérant qu’elle ne compte pas les pièces. Elle n’a pas compté et m’a ramené à Berlin devant l’appartement de mes parents. »

Au revoir l’Allemagne, bonjour la France

Six ans se sont écoulés depuis le premier jour et la décision était prise, ils allaient définitivement se rejoindre chez elle, dans son appartement parisien. Pour ce faire le judoka, alors âgé de 25 ans, devait stopper prématurément sa carrière. Une décision plutôt naturelle pour celui-ci : « Il y a eu un temps de réflexion mais c’était quand même assez logique parce qu’on a fait tellement d’efforts pour notre relation. C’était pareil à l’inverse, si Lucie venait en Allemagne, elle arrêtait sa carrière. On a pesé le pour et le contre. C’était après 2008, je venais de rater ma sélection pour les Jeux olympiques. J’étais encore motivé mais je savais que j’étais vers la fin de ma progression internationale. C’était plus simple pour moi d’arrêter et de rejoindre Lucie parce qu’elle était en plein boum. Je l’ai dit à mes entraîneurs, ma famille et j’ai tout arrêté en Allemagne. J’ai débarqué en France, dans l’appartement de Lucie, avec deux sacs. »

Une fois bien installé, « j’ai un peu continué le judo, à m’entraîner. Mais plus de haut niveau parce que je ne pouvais plus. Je faisais les séances avec Lucie car elle avait besoin d’un partenaire. » C’est à cette occasion qu’un jour, Christian Chaumont, entraîneur de Lucie Louette mais également de Teddy Riner, remarquait Nico Kanning : « Le groupe de Teddy lui cherchait un partenaire qu’il ne trouvait pas. J’étais là pour m’amuser et faire des séances. À la fin d’une d’entre elle, Teddy Riner m’a demandé ce que je faisais en France. Je lui ai expliqué, on se connaissait d’avant parce qu’on s’est rencontrés sur des compétitions. Une semaine après, son entraîneur m’a demandé si je voulais faire des séances régulièrement avec Teddy parce qu’il a vraiment apprécié mon comportement et ma façon de m’entraîner. » C’est ainsi que l’ex-judoka allemand, fraîchement arrivé dans l’hexagone, devenait sparring-partner du plus grand athlète français de l’histoire de sa discipline. Un rôle qu’il occupera passionnément pendant dix années débordantes de succès, avec entre autres deux médailles d’or olympiques. S’il suivait Teddy Riner sur les compétitions, il va de soi que le Berlinois « sur les grands championnats, ceux de France et d’Europe, j’accompagnais Lucie à chaque fois. On s’est motivés, boostés ensemble.« 

C’est grâce au judo que j’en suis là aujourd’hui.

Nico Kanning

Aujourd’hui, la triple championne d’Europe a également stoppé sa carrière. Elle partage désormais son temps entre sa profession de kinésithérapeute, mais également de kinésithérapeute du sport auprès des judokas du pôle espoirs d’Amiens, et enfin le judo club d’Airaines, où en plus d’être licenciée (5ème Dan), elle s’attelle à l’éducation de la discipline. Un enseignement qu’elle prodigue une nouvelle fois accompagnée de son chéri, en outre coach sportif mais aussi entraîneur de l’AS Villers-Bocage Judo. Une connaissance du très haut niveau qu’ils transmettent maintenant depuis plus de cinq ans, avec également l’objectif de « motiver les jeunes à faire du sport, parce que le sport c’est la santé. » Dans la même veine, ces derniers ont en parallèle développé un stage d’une semaine de perfectionnement de judo à Amiens, ouvert à tous les pratiquants de France et même aux internationaux. Un événement qui « permet aux judokas, pendant les grandes vacances, où souvent il n’y a pas d’entraînements, de se regrouper avec des combattants de différentes régions pour préparer la saison prochaine. L’objectif étant de partager et d’apporter notre expérience et expertise aux jeunes et moins jeunes. La transmission est important pour nous, savoir donner ce qu’on a reçu par le judo. C’est aussi quelque chose d’utile pour développer le judo dans notre région.«  Après une première édition l’an passé, Lucie et Nico remettront le couvert du 19 au 23 août de cette année.

Épanoui professionnellement mais aussi personnellement, le couple attend très prochainement un heureux événement : « Ça fait maintenant vingt-et-un an qu’on est ensemble. On a deux enfants, une fille de six ans et demi et un garçon de cinq ans. On attend le troisième dans les prochains jours. » annonce fièrement Nico Kanning. D’une rencontre en Europe de l’Est à incessamment sous peu, parents de trois enfants, Nico Kanning et Lucie Louette ont une histoire à part entière qui n’est pas près de se terminer. Cette idylle, digne d’une romance, est d’autant plus belle quand on sait qu’elle a été amorcée par une passion commune, le judo : « C’est grâce au judo que j’en suis là aujourd’hui. Ça m’a permis de beaucoup voyager, voir des cultures qui m’ont ouvert l’esprit et surtout me faire rencontrer ma future femme. C’est magnifique. »

Alexis Vaury
Crédit photo : Kevin Devigne / Léandre Leber (archives)

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