BÉNÉVOLAT / SALARIAT : « Une dynamique collective »

Si le bénévolat est une condition sine qua non du modèle associatif, le salariat demeure un soutien important à la dynamique de certaines structures. Gazette Sports Le Mag a rencontré Fanny Hanicotte, directrice de la maison des associations d’Amiens Métropole pour évoquer ces deux situations.

Issue professionnellement du milieu culturel, puis du Mouvement Associatif des Hauts-de-France, Fanny Hanicotte a pris, il y a un an maintenant, la direction de la Maison des associations d’Amiens Métropole (MAAM). Si dans son emploi précédent, elle avait pour mission d’animer et coordonner le réseau de Points d’Information à la Vie associative (PIVA) de la région, aujourd’hui elle est à la tête d’une entité qui lui permet de s’intégrer dans un dispositif qu’elle a contribué à développer pendant plusieurs années et d’avoir ainsi une action au niveau de la métropole amiénoise.

La MAAM, qui compte désormais 8 salarié(e)s, est une structure référente dans l’agglomération pour l’accompagnement des associations tout au long de leur vie, du processus de création à la dissolution, en passant par le projet associatif… Il prend ainsi la forme individuelle ou collective via des ateliers. De par les missions qu’ils portent, Fanny et son équipe siègent au sein de plusieurs instances afin de porter un regard sur les différents dispositifs d’aide. Cela permet également à la structure d’avoir une meilleure connaissance du tissu associatif local, mais aussi de mieux répondre aux besoins et ainsi d’échanger sur les problématiques.

Les emplois associatifs se multiplient depuis plusieurs années mais nécessitent une inter-relation entre salariés et membres de la gouvernance qui, eux, sont bénévoles. Cependant, leurs rôles demeurent complémentaires et doivent conserver cette interdépendance pour se mettre au service du projet en lui-même.

Le bénévolat avant tout…

Avant d’évoquer la question du salariat, il est nécessaire d’évoquer le bénévolat qui constitue le socle du modèle associatif. Sans bénévoles, pas d’emplois associatifs. Si le statut et l’engagement ont évolué au fil des années, Fanny nous donne sa définition du bénévolat : « il y a la notion d’être au service, d’avoir un lien social, de connaître un épanouissement personnel tout en étant au service du collectif, de la société et du bien commun et ce, peu importe l’âge, la classe sociale et quelque soit le type de bénévolat, ponctuel ou permanent ». Si la notion d’enrichissement est ainsi prépondérante, la pandémie a induit de nouveaux comportements et parfois un désengagement : « on voit un changement, avec une chute de l’engagement des « actifs » – âgés entre 35 et 50 ans, cela a un impact assez conséquent. Il y a cependant du positif, avec une activité constante chez les moins de 35 ans. »

Fanny Hanicotte souligne le fait que les jeunes s’investissent plus facilement sur des projets qui sont en lien avec leur vécu : « nous avons vu pendant la pandémie, notamment dans les associations étudiantes, qu’autour des notions d’entraide, de précarité, de solidarité… l’engagement a été croissant. C’est un comportement assez courant et c’est rassurant pour la suite. »

Cet engagement, notamment dans un organe de gouvernance, demeure indispensable au bon fonctionnement d’une structure associative, mais aussi à la mise en place, la conduite de son projet et des activités de la structure. Des rôles dits « de prises de décision », qui peuvent conduire dans le cadre de l’avancée des projets, à développer l’emploi au sein de l’association.

Le salariat comme outil de développement

Dans une étude de l’Observatoire régional de la vie associative des Hauts-de-France, dont la MAAM est membre, on comptait, en 2020, une majorité d’associations bénévoles (environ 86 000), les structures employeuses ne représentant que 10,4 %. Cependant, ces quelques 10 000 structures représentaient plus de 197 000 emplois, un chiffre parlant et conséquent, mais qui s’explique aussi par une majorité de contrats à temps partiel. 

La création d’un emploi au sein d’une association induit des changements dans son mode de gouvernance, dans la mesure où il y a la nécessité de prendre conscience de la responsabilité que cet engagement implique. La MAAM, dans son rôle d’accompagnement, questionne toujours les porteurs de projets sur leurs besoins et motivations pour savoir s’il s’agit de la solution la plus adaptée pour la structure : « la création d’un nouvel emploi, nécessite la prise en compte de toutes les obligations, en termes de relation avec les organismes sociaux, de gestion du contrat de travail… un univers qui peut être nouveau. Des associations bénéficient du savoir de certains bénévoles mais il y a un accompagnement sur le long terme, pour prendre en compte tous ces éléments. »

Si l’emploi constitue un outil de développement des associations, il n’est pas indispensable, une démarche bénévole peut suffire. En effet, Fanny Hanicotte souligne que « l’emploi associatif peut-être un coup de boost, mais il faut savoir si cela correspond au projet de la structure et quel profil est nécessaire. Il faut un accord collégial sur le projet et le mettre en œuvre en amont du développement, même s’il y a des opportunités qui se présentent. »

Quand elle évoque les opportunités, il s’agit de facteurs multiples comme l’avancée du projet mais aussi le développement des dispositifs d’accompagnement financier à l’embauche, qui à ce jour, constituent une aide considérable pour les associations car, les premières années, ils minimisent les risques financiers. Cependant, dès le stade de création, les institutions, et notamment dans le cadre du CREAP (Aide à la création d’emploi associatifs pérennes) de la Région Hauts-de-France, appuient sur le fait que les projections sont indispensables : « il faut penser au modèle économique de l’emploi pour qu’il soit par la suite viable ou aller chercher de potentiels nouveaux financements. »

De manière générale, les premières créations de postes s’orientent « davantage sur des postes de chargé(e) de développement, pour permettre de structurer le projet, les activités et pouvoir se projeter en développant les partenariats ». Cependant, Fanny tient à nuancer : « il y a tout de même, à l’image de la diversité associative, d’autres postes qui sont privilégiés en fonction de l’activité première et de l’objet de l’association. »

Salarié d’une association, un profil souvent atypique

Être salarié d’une structure associative n’est pas anodin. Par ailleurs, si à notre grande surprise, le profil majoritaire dans le « milieu » est plutôt du genre féminin, il apparaît que tout un chacun peut devenir employé d’une association, dans la mesure un bénévole très investi peut acquérir les savoirs et compétences nécessaires : « On observe beaucoup de porteurs de projets, qui souhaitent par la suite devenir salarié de la structure créée. Cependant, notre mission est de rappeler le cadre associatif et ce que cela implique. On a des personnes qui pendant trois ou quatre ans, grâce à un collectif, voient un potentiel et une possibilité de création d’emploi avec la volonté de se positionner. Un compagnonnage avec un administrateur de l’association, des associations membres d’un réseau permettent également de donner des éléments et de partager pour accompagner dans une prise de poste ».

Par ailleurs, comme pour l’engagement des bénévoles, Fanny souligne que les salariés recherchent plus facilement dans ce cadre professionnel « la notion de sens. C’est-à-dire que l’on s’interroge plus facilement sur le sens de son action, son objectif et son enjeu. On s’attache aux valeurs que l’association veut diffuser ».

Un de ce profil « type » est souvent multi-casquette : « L’emploi dans des petites structures permet de développer une multiplicité de compétences : organisateur d’événements, communication, administratif, rencontre de partenaires, écriture de projet… C’est une super école pour toucher à tout, notamment dans le cadre d’un premier emploi. Ce sont souvent des profils tout-terrain qui ont ce besoin d’être dans une dynamique collective » (ndlr : grâce à l’interaction avec les bénévoles et les membres).

Fanny Hanicotte, au travers de son poste de directrice, permet de jouer l’intermédiaire entre la gouvernance de la MAAM et l’équipe salariée, pour le suivi de la mise en place du projet associatif.

Dirigeant employeur, une responsabilité à ne pas négliger

Si le salariat dans une structure associative peut donc être un des moteurs de son développement, des limites peuvent se présenter. En effet, comme le souligne la directrice de la MAAM, « avec l’arrivée d’un(e) salarié(e), le collectif bénévole peut se décharger. » Un désengagement de mauvais augure puisque l’inter-relation est nécessaire pour développer le projet de l’association : « dans les petites structures, celles qui n’emploient qu’un ou deux salariés, cette tendance à se reposer sur le salarié induit une baisse d’engagement qui fait que certains se retrouvent seuls et plus soutenus. On peut observer – et l’épidémie de COVID n’a pas aidé – que certains arrêtent cette activité professionnelle car ils ne trouvent plus la plus-value ou la ressource nécessaire pour se complaire dans leur activité face au manque d’engagement ».

La situation s’avère d’autant plus délicate, dans la mesure où les salariés du secteur associatif sont concernés à proprement parler par les actions mises en place qui visent notamment à permettre le maintien de leur poste de manière pérenne au sein de l’entité. Fanny Hanicotte souligne ainsi pour les dirigeants « la nécessité de se former pour qu’il y ait un bien-être au travail, pour accompagner le salarié dans son développement et sa carrière professionnelle, dès lors que l’on devient employeur. »

Cette relation entre le salarié et la gouvernance associative peut être facilitée en matière d’accompagnement par la mise en place de postes dits « intermédiaires » comme le sien. Ils permettent en effet une plus grande latitude dans les missions et la prise de certaines décisions : « cela permet d’identifier des potentiels, tout en se reposant sur la gouvernance pour les points qui le nécessitent. C’est un poste stratégique et nécessaire qui permet aujourd’hui de garantir un équilibre ».

Une perspective d’emploi peut, en somme, s’avérer être une opportunité pour développer davantage l’activité de l’association, mais elle nécessite donc de la réflexion et du travail en amont pour planifier au mieux cet engagement. Il ne faut pas oublier que cette décision de création d’emploi reste au bon vouloir de l’organe délibérant de l’association et qu’une des menaces reste le changement de direction de la structure, qui peut avoir lieu à intervalle régulier et qui peut s’avérer néfaste vis-à-vis du projet et de l’emploi en lui-même en cas de mauvaise transition.
La décision de devenir employeur ou de rejoindre un comité de direction d’une association employeuse nécessite donc une prise de conscience quant aux obligations qui incombent alors aux bénévoles. Un changement de projet associatif et d’objectifs, pourrait alors devenir une menace pour l’emploi ou constituer une réelle opportunité. Enfin, il faut également rappeler, comme l’a évoqué Fanny Hanicotte, qu’il s’agit avant tout « d’un salarié, d’un emploi et de quelqu’un qui vit de cette activité avec un impact sur sa vie personnelle et son développement. »

Dorine COCAGNE
Crédit photos : Maison des associations d’Amiens Métropole

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